La Vague du réalisateur allemand Dennis Gansel, reprend la chronologie des évènements relatés par le professeur d'histoire Ron Jones dans son article de 1976. Il s'agit d'une expérience de psychologie pratique réalisée en 1969 dans un lycée de Californie. J'insiste, c'est une expérience qui s'est réellement produite, pour de vrai et fidèlement relatée dans le film.
Comment représenter l’autocratie dans laquelle un seul individu détient tout le pouvoir ? Généralement, on l'explique par la corruption, la menace et la paranoïa parmi les élites dirigeantes du régime. La Vague (aka Die Welle) examine cependant la question sous un angle différent, étudiant comment elle peut supposément surgir et contaminer ceux qu’elle touche, de nos jours. Le film propose un concept qui rend l’ensemble de la question à nouveau fraîche.
L’histoire de base est celle d’un professeur d’école (un anarchiste dans l’âme) qui doit enseigner un cours sur "l’autocratie", ce qui ne semble pas l'enthousiasmer. Ne parvenant pas à attirer l'attention des élèves, il décide de concevoir une expérience par laquelle ils doivent créer leur propre mini autocratie et les règles qui la régissent (aka La Vague). Avec un sujet aussi sensible, tout devient incontrôlable. Les élèves succombent très vite à la méthodologie fasciste autocratique, ce qui aura de graves conséquences par la suite.
Un point important qui doit être précisé, c'est qu’il s’agit d’un film allemand et que pour des raisons historiques évidentes, le sujet est ici encore plus délicat à aborder. La Vague est assez troublant à bien des égards et montre comment la plupart des élèves tombent lentement dans le fascisme, d'une manière tout à fait innocente et en même pas cinq jours (les cinq premiers jours de la semaine). Le film vous forcera à réfléchir et peut-être à réévaluer la question, telle qu'elle est posée dans le film, à savoir si l’autocratie peut relever la tête et s'imposer de nouveau, de nos jours.
Cinq jours suffiront donc pour créer un slogan (La force par la discipline le lundi, la force par la communauté le mardi, la force par l'action le mercredi ...) et des signes de reconnaissance avec le logo en forme de vague et le salut du même ordre (rappelant à s'y méprendre au salut nazi). De plus, pour répondre aux questions ou pour intervenir dans le cours, les élèves doivent se lever, se mettre au garde-à-vous et s'adresser au professeur par "Die Welle". Les élèves adoptent tous ces codes avec une telle facilité et une adhésion immédiate, que ça fait froid au dos.
La chose la plus troublante, c'est que l’enseignant perd lentement le contrôle de lui-même et finisse par apprécier le pouvoir qu'il exerce sur les élèves. Alors certes, cinq jours est-ce suffisant pour former des élèves au fascisme et pour les endoctriner ? Là n’est pas la question. Peu importe le temps que ça prend, la réponse est que "oui c’est possible". Allez-vous courir ce risque par vous-même ? Bah, si vous regardez en vous-même, vous ne trouverez peut-être pas un fasciste, mais vous trouverez probablement quelqu’un qui veut faire partie de quelque chose de plus grand que lui, d'une communauté, de n'importe laquelle ... Quoi qu’il en coûte.
L’écriture, le jeu d’acteur et la mise en scène ne souffrent d'aucun défaut. En tant que professeur de classe, Jürgen Vogel est à la fois très charismatique et imposant dans son rôle. Le casting était primordial ici, d’autant plus ce sont surtout des adolescents et/ou de très jeune adultes. Pour la plupart ce ne sont pas des acteurs professionnels, ce qui n'est pas plus mal ici. Ils sont d'autant plus convaincant car ils jouent de façon naturelle. Certains par contre trahissent leur âge et font beaucoup trop âgé pour se faire passer pour des lycéens. J'ai mis du temps à réaliser qu'il s'agissait de lycéens et non d'étudiants de faculté.
Si vous aimez les films qui sortent de l'ordinaire et qui remettent en question les événements historiques du passé pour les réactualiser, alors je vous conseille de voir La Vague.