Vivianne (Bulle Ogier) coule des jours paisibles en Nouvelle-Guinée. Femme de consule, cette belle blonde à la bourgeoisie extrême trompe l’ennui en faisant de la collection d’art local. Enfin une collection intéressée, car ce n’est nullement par amour de l’art, mais dans la perspective de mieux les revendre à une galerie parisienne.
Alors qu’elle fait un remake de la scène du tam-tam des Bronzés avec un vendeur local (“non c’est trent’ mille”), elle rencontre un grand blond sans chaussure noire, mais tout en clavicules apparentes, qui vient refourguer ses plumes d’oiseaux au marchand. Vivianne, qui a l’œil pour repérer les bons plans, se rapproche du jeune Anglo-Saxon, dont l’autre particularité est de citer son texte français en phonétique.
Toujours est-il que Vivianne plante accidentellement une lance (?!) dans le panard du malheureux qui pisse le sang. Confuse, elle commande un Uber local d’alors pour le ramener chez lui. C’est une occasion en or pour elle, car l’éclopée lui a vanté sa collec’ de plumes d’oiseaux. Une fois dans la case, elle surprend les amis d’Oliver (Michael Gothard, aucun lien avec Jean-Luc) en pleine séance d’aérobic porno. Je vous jure que malgré les apparences ça ne ressemble pas du tout aux Bronzés ou aux Baba cools.
Oliver parvient à serrer la bourgeoise après un feu de camp tristounet, et mieux, il la convainc de participer à une expédition “au paradis” avec cette bande de hippies. Le paradis ou Vallée, est une région montagneuse et nuageuse mal cartographiée de Papouasie, où les plumes d’oiseaux seraient parait il légions (= dollars !!!).
Sur le chemin, cette bande baba va faire quelques rencontres surprenantes, mais ils vont surtout aller à la rencontre “deux-m’aime” comme j’aime le dire. C’est-à-dire qu’ils vont essentiellement baisouiller dans les herbes et ainsi découvrir que la jalousie est une maladie bourgeoise bénigne, boire de la drogue et faire des câlins aux mambas verts, et même mettre les pieds sous la table pour un après-midi barbecue avec des indigènes - et non ils ne sont pas au menu.
L’ouverture du film ne nous prend pas en traître. Un plan vu d’hélico sur l’épaisse jungle africaine, ultra verte, avec des brumes qui la surplombent.
La vallée nous rappelle que Schroder, avant de signer des thrillers US de bonne facture dans les années 90 (Barfly, le mystère Van Bullow, jeune femme partagerait appartement...) était un surfer hardcore de la nouvelle vague. Assistant de Godart (aucun lien avec Michael) et collaborateur des Cahiers du cinéma, “Barbie” a produit du Rivettes en pagaille et Chabrol à gogo, etc. Alors quand il se colle à la réalisation en 72, on est forcément plus proche de Rohmer que McTiernan.
La première erreur à ne pas commettre sur ce film serait de dire que le son est bon grâce à Pink Floyd qui se charge de la BO (numéro 1 des ventes en France !). Il ne l’est pas tant que ça, puisque le problème se situe au niveau prise de son même. Le recours à un perchman professionnel faisait figure, semble-t-il de caprice dispensable digne d’un cinéma de papa désuet. Mais c’était bien utile avec le recul, surtout quand on filme une scène près de la mer.
Le risque avec ce genre de projet est de tomber dans les stéréotypes du genre, et l’amateurisme en fait partie. Le film expé, naturaliste et libertaire vaguement d’aventure a eu son lot de tentatives plus ou moins heureuses. Ça peut avoir son charme, comme dans Zabriskie point d’Antonioni ou The last movie de Dennis Hopper, mais ça peut-être ridicule comme dans Eau sauvage de Paul Kener. Et malgré toute la bonne volonté de Schroder et de sa troupe, un irrésistible parfum de nanar se dégage de la Vallée.
La faute en grande partie au jeu 100 % Nouvelle vague de Bulle Ogier, qui dans un rôle à la Beatrice de Montmiral, lâche son texte n’importe comment, chevauchant les répliques des autres, sans la moindre conviction, parfois à l’inverse avec beaucoup trop de conviction. Mais le plus souvent, c’est avec une profondeur digne des pires prod d’AB Production.
Quelques éclats de rires accompagnent ses exclamations (quand elle traite de tous les noms des chasseurs d’oiseaux - d’ailleurs comment sont récoltés les plumes de ses amis ?). Quand elle est prise d’une communion avec la nature chez les Papous et qu’elle est persuadée d’être “dans le vrai”. Heureusement qu’Oliver la reprend de volée dans une scène très surprenante d’ailleurs, où il lui explique qu’ils ne sont rien que des touristes, et que le sort de la femme est encore plus dur dans les sociétés archaïques qu’elle regarde avec des étoiles dans les yeux. Qu’ils sont pour la perpétuation des traditions et des valeurs, alors que son groupe de babas ne lutte que pour leur destruction. Si le film est mal joué, il n’est donc pas si mal écrit, du moins il y a un recul sur ce personnage de Vivianne, décidément bête à manger du foin du début à la fin, qu’elle se comporte en grande bourgeoise capitaliste ou qu’elle passe à l’extrême écolo. Elle est toujours à côté de la plaque.
L’autre puissance comique du film est dégagée par JP Kalfon, un acteur que j’apprécie par ailleurs. Capable d’incarner des types très sombres et inquiétants (“Une étrange affaire” super film). Très marqué par le théâtre libertaire des années 60, il est plus dans l’expérience personnelle que dans le jeu ou le tournage. Il a pris son pied dans ce voyage. Le script c'est autre chose, limite pas son problème. Il a un look très Mimi Siku d’un Indien dans la ville, peinturluré pour des cérémonies tribales, mais il n’oublie pas pour autant son perfecto de Marlou du 14e pour tailler sa route à la machette.
Kalfon semble avoir parfois de la peine avec le texte, soit il s'en rappelle difficilement soit il peine à en improviser un, comme cela semble être le cas une grande partie du film. Il est possible, mais je n’ai pas confirmation, qu’il se soit administré de la ganja locale avant les prises. Mais je ne veux pas m’avancer, je lui laisse le bénéfice du doute même quand il grimpe aux arbres et oublie un mot sur 3.
Au final, cette “aventure” ne vaut pas le coup d’être vue, ou bien pour une poignée de choses : la partie purement documentaire façon “connaissances du monde” que l’on nous projetait dans les collèges du 9.2, la beauté des paysages, les images de la cérémonie avec les 5 000 Papous et la BO de Pink Floyd.