Quand Solal arrive après le gong dans le royaume pur et guerrier de l’Ancien Testament

Comme un bon nombre de films tchécoslovaques d'avant la Normalisation, qui forcera le réalisateur à quitter les studios prestigieux de Barrandov et a abandonner les grands projets, la liberté de ton et de sujet est assez fascinante. Pas qu'il s'agisse de "dissidence" au sens strict, on n'est pas là pour se moquer du gros bide du secrétaire général du parti, mais les thèmes explorés n'ont rien a voir avec une quelconque ligne socialiste.

Pour expier la faute de son père, petit chatelain tchèque et bon vivant, le héros du film est dédié enfant aux chevaliers Teutoniques. Comme on est au Moyen Age, cette colonie de vacances se révèle assez rude. La mer et le sable de la Baltique n'invitent qu'au mépris du monde, à la mortification et évoquent les souffrances de ces frères qui ont eu le délice de perdre leur vie sur d'autres plages : en Terre Sainte, ou ils font l'oeuvre de Dieu.

Ondřej, car c'est son nom, se rappelle pourtant qu'il y a un ailleurs, qui n'implique pas de ramasser ses tripes sous les murs de Jérusalem : celui de son arrière-pays tchèque paisible, loin des rigueurs germaniques, et qu'il y fait bon taquiner les paysannes et chasser à courre. Ondřej percoit le bourdonnement des abeilles, ce qu'on pourrait appeler la "vraie vie", ou un projet professionnel. Dès qu'il peut, il rompt son serment, fuit et reprend la suite du domaine familial.. Après tout, meme le curé de la paroisse, une sorte d'adepte du compromis républicain, lui garantit qu'il n'y a pas de mal à se faire du bien, en somme. Mais l'ancien frère d'armes intransigeant, Armin, se lance après sa brebis égarée.

Les images sont parfois magnifiques, extremement théatrales et souvent justes. Le chateau des Teutoniques évoque un peu celui d'Othello de Welles, mais plus dépouillé, plus austère encore.

L'un des mérites du film est surtout de ne pas trancher. Pour ramener son frère égaré dans le droit chemin, Armin frappera droit et sans faillir. Au contraire, le curé sympathique de la paroisse transige avec la morale de l'Eglise pour assurer la rentrée des prébendes, le confort des fidèles et la paix sociale. La tension entre les deux mondes n'est jamais vraiment résolue ni jugée : on ne sait pas à quel point l'intransigeance d'Armin est celle du fanatisme ou d'une compassion sans bornes. Au-delà des costumes et du contexte, c'est un film historique dans le sens ou il projette superbement dans l'univers mental torturé et violent qu'on prete à cette époque (au lieu de plaquer à un décor en carton des préoccupations trop contemporaines).

8/10 - et reprenons Jérusalem.
Angelo_Mancuso
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le 18 mars 2015

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