Richard Pupkin est au chômage, c'est un être solitaire en quête de gloire qui vit encore chez sa mère. Il est persuadé d'être un stand-uper irrésistible, alors il tente obstinément d'intégrer le monde du show-biz en harcelant Jerry Langford, un comique de télévision qui jouit d'une grande notoriété. Pour Jerry Langford, Richard ne serait qu'un admirateur parmi tant d'autres si ce n'était une insistance pesante qui va l'amener au point de non retour...


Quasiment oublié du pourtant pas méconnu Scorsese, film boudé par le public et la critique lors de sa sortie alors même que De Niro côtoyait déjà des sommets de célébrité.

C'est pourtant une belle tragi-comédie qui offre une analyse pointue de l'inaltérable besoin de paraître au détriment de l'être, une charge contre le show-business et son public, un film qui en dit long sur les moyens déployés par la médiocrité ambiante pour se faire une place coûte que coûte (toujours d'une brûlante actualité aujourd'hui, notamment avec les réseaux sociaux et les talk-shows de nos médias-paillassons jamais avares de "clashs" ou "punchlines" frelatés, relayés sur ces mêmes réseaux sociaux).

Comme dans "Taxi driver" ou "Raging bull", Scorsese y brasse les mêmes thèmes : besoin obsessionnel de reconnaissance du personnage principal (voir le nombre de fois où Pupkin doit reprendre des interlocuteurs qui écorchent son nom) qui, de l'aliénation, le mène jusqu'à l'auto-destruction.


L'acteur comique Jerry Lewis campe une sorte d'avatar de lui-même, en interprétant une figure de superstar adulée du public (celle qu'il était bien avant les années '80), mais aussi un double inversé de Pupkin : tous deux partagent la même peur panique de l'anonymat, mais aussi son corollaire : la triste solitude une fois l'écran de fumée dévoilé.


Le réalisateur Todd Phillipps ne s'y est pas trompé en citant ouvertement dans son Joker de 2020 avec Joaquin Phoenix, certaines situations malaisantes de "La valse des pantins" (le personnage qui vit seul avec sa mère et s'entraîne devant un public fictif et des applaudissements enregistrés). Sans oublier la présence de De Niro en guise de clin d'oeil (qui interprète le présentateur adulé par le Joker), mais aussi l'allusion au "Taxi Driver" avec le geste du pistolet fictif sur la tempe.


Une comédie noire qui analyse intelligemment les mécanismes pervers du monde du spectacle, Scorsese porte un regard cynique sur l'obsession de gloire et de succès immédiat. Un excellent film qui mérite d'être (re)découvert.



A voir pour : les interventions hors-champ de la mère de Pupkin (procédé qui rappelle la voix de la mère de Norman Bates dans "Psychose"), interrompu à chaque fois que celui-ci monologue devant des images de public hilare collées au mur ; l'enlèvement de Jerry Langford ; les vestes multicolores improbables de Pupkin.

Sycorax
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