Récemment restauré en version 4K sous l’impulsion de Martin Scorsese et Steven Spielberg – et présenté pour l’occasion en Sélection Officielle à Cannes Classics – La Vengeance aux deux visages est l’unique réalisation de l’acteur Marlon Brando.
Le film est adapté d’un roman de Charles Neiger et s’inspire de la vie de Billy the Kid, ici simplement appelé Rio, ou le Kid.
Le projet du film a connu plusieurs mutations lors de son développement. Bien que Marlon Brando en soit à l’origine, en achetant les droits d’adaptation du livre, il ne devait en être que l’acteur principal. Le scénario devait initialement être confié à Sam Peckinpah, et la réalisation à Stanley Kubrick. Mais Kubrick souhaitait l’acteur Spencer Tracy dans le rôle du Sheriff Dad Longworth, et Universal et Brando avaient déjà proposé le rôle à Karl Malden.
Quant à Sam Peckinpa**h au scénario, il fut finalement écarté du projet pour différend artistique, et réalisé 12 ans plus tard sa propre version de l’histoire de **Billy the Kid avec Pat Garrett et Billy le Kid.
Le scénario fut finalement confié à Guy Trosper, et Marlon Brando décida de réaliser lui-même le film.
On retrouve au centre de cet excellent western les thématiques propres du genre : histoire de trahison, désir de vengeance, mensonges comme moteur de péripéties.
1880. A la suite d’une attaque de banque, Rio le Kid et Dad Longworth sont poursuivis dans le désert par la milice mexicaine. En mauvaise posture en haut d’une dune et avec un unique cheval fatigué pour deux, le duo est contraint de se séparer : Dad part en direction d’une petite ferme à proximité avec pour mission d’aller chercher des chevaux frais pour leur permettre de fuir. Mais, en possession de l’or, Dad Longworth décide de trahir son acolyte et de sauver ses miches. Rio est arrêté par la milice, et envoyé au bagne de Sonora.
Evadé cinq années plus tard, ce dernier n’a qu’une idée en tête : retrouver son ancien ami pour lui trouer la peau.
Marlon Brando incarne à la perfection le personnage de Rio, froid en apparence, mais attisant au fond de lui une haine qui le ronge. Perfide, menteur et séducteur, c’est une bête sans état d’âme, à l’image d’un Clint Eastwood Impitoyable.
Pour le tournage du film, Brando a laissé de grandes libertés aux accidents de jeu, en privilégiant l’improvisation. Il en résulte un monceau de rushs (le montage initial durait environ 5h30 !), et quelques moments de fulgurance magnifiques.
Cependant, cette méthode de travail – qui rend justement le film si intense et beau – entraîna de nombreux retards sur le tournage et de colossaux dépassements de budgets. A sa sortie en 1961, le film ne rencontra pas le succès escompté et pour éponger le déficit, Brando fut contraint de signer pour 5 films pour le compte d’Universal (Le vilain américain, Les séducteurs, L'homme de la Sierra, La comtesse de Hong-Kong [réalisé par Charlie Chaplin] et La nuit du lendemain).
La vengeance aux deux visages est l’un des derniers films de cette époque tournés en VistaVision, un procédé coûteux mais qui assurait une meilleure qualité d’image panoramique (pour la faire courte, le film était imprimé sur une pellicule 35mm de 8 perforations au lieu de 4 habituellement, ce qui évite les distorsions du négatif). L’image est ainsi au service de paysages magnifiques, que ce soit dans le désert mexicain ou bien sur la côte sauvage californienne.
Qualifié par Martin Scorsese « d’œuvre moderne et vivace, passerelle entre deux cinémas, le vieil Hollywood et le Nouvel Hollywood », La vengeance aux deux visages est un magnifique film introspectif et torturé, qui mêle les thématiques éculées du western à une forme de renouveau, que ce soit par la beauté visuelle ou par la mise-en-scène soignée. La violence est omniprésente, mais toujours sourde et contenue ; et dans sa seconde partie, le western prend subitement la tournure inattendue d’une romance entre Rio et la belle Maria Longworth, magnifiquement incarné par Katy Jurado.
Une excellente découverte et du grand spectacle !