La Vénus à la fourrure par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Thomas est un metteur en scène peu chanceux car toute la journée il n'a cessé de faire passer des auditions afin de trouver une comédienne pour sa nouvelle pièce : une adaptation très personnelle de "La Vénus à la fourrure". Alors qu'il s'apprête à rentrer chez lui bredouille, Wanda arrive en retard, trempée par la pluie. La jeune femme d'une vulgarité sans pareil insiste pour se faire évaluer par Thomas. Celui-ci va alors de surprise en surprise lors de l'audition, la comédienne parvenant à se mettre dans la peau du personnage recherché et même à donner la réplique de manière très personnelle. Le metteur en scène se laisse alors envoûter par Wanda et une étrange confrontation va s'instaurer...


Lorsqu'on franchit les portes de ce théâtre un peu tristounet, celles-ci s'ouvrent seules. On entre dans une salle relativement cafardeuse à l'image de Thomas dont la journée est gâchée. Il en veut à toutes ces comédiennes qui ont tenté de tenir le rôle de Wanda dans son adaptation du roman de Sacher-Masoch mais rien à faire, ces femmes n'avaient aucun lien avec les vues du metteur en scène. Il enrage et les noms d'oiseaux ne sont pas assez forts pour qualifier les actrices incapables de lui donner satisfaction. La coïncidence veut que cette fille vulgaire et sans-gêne fasse une entrée tapageuse dans la salle. Las de supporter les propos de Wanda (le personnage de la pièce se nomme également Wanda) Thomas demande à celle-ci de se changer et de faire un essai. C'est alors que petit à petit cette fille qui paraissait grossière et idiote se métamorphose au fil des répliques. Le metteur en scène se met alors à l'unisson de sa partenaire qui lui fait même découvrir certaines subtilités afin de rendre le sujet plus efficace. Cette version remodelée fait entrer les deux êtres dans un face à face pervers, sadomaso. Thomas se soumet au bon vouloir de Wanda et le texte devient alors aléatoire. Thomas vampirisé se soumet corps et âme au bon vouloir sexuel de la comédienne sur la scène de ce théâtre aux banquettes vides.


Roman Polanski nous compose ici un huis-clos surprenant et très finement ciselé car il retient notre attention en nous touchant au plus profond de nous-même par le mystère qu'il dégage à l'image de Wanda, la comédienne qui surpasse le personnage qu'elle est censé interpréter. Cette œuvre nous fait d'abord sourire puis nous enveloppe d'un climat relationnel de soumission absolue. Les morceaux d'anciens décors traînant sur la scène donnent un aspect un peu glauque à ce lieu et à cette rencontre improbable. J'ai beaucoup aimé les portes du théâtre qui s'ouvrent automatiquement au début du film pour se refermer de la même manière lors du final.
Il est bien sûr difficile de dissocier Emmanuelle Seigner dans le rôle de Wanda et Mathieu Amalric dans celui de Thomas. Leurs interprétations sont assez époustouflantes dans ces numéros de "transformisme" des personnalités. L'une passe de la pouffiasse gouailleuse à la très belle tragédienne, l'autre de l'artiste austère et stressé à l'homme devenu fou de passion, sans résistance et révélant peut-être sa vraie personnalité. La musique d'Alexandre Desplat donne un cachet très appréciable à cette œuvre singulière


C'est donc à un formidable tour de passe-passe et à un terrible duel auxquels nous invite Roman Polanski. Ce film est prenant, il met parfois mal à l'aise mais malgré tout on est impatient de connaître le devenir de ces les deux artistes aussi déroutants l'un que l'autre. Ce face à face passionnant m'a offert un grand moment de cinéma et d'émotion.

Grard-Rocher
9
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le 16 nov. 2014

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