Quand "Je" est un "Jeu"...
Polanski est un réalisateur aux multiples facettes. Ici, dès les premières minutes, avec cette avancée dans la pluvieuse avenue parisienne jusqu'à l'entrée du théâtre on est dans le mystère. L'apéritif juste avant l'entrée en matière. On suit on ne sait trop quoi, une force, un esprit qui nous précède jusqu'à la porte de ce théâtre.
Nous sommes dans le Polanski du Locataire ou de la jeune fille et la mort. D'ailleurs, j'ai été personnellement frappée par la ressemblance entre Polanski et Amalric ! Impressionnante, encore plus dans la scène finale où je croyais revoir le personnage du locataire.
L'intrigue est simple sur le papier : Un auteur met en scène une adaptation qu'il a écrite du roman et une actrice vient pour auditionner pour tenir le rôle principale, celui de Vanda, une jeune ingénue pervertie par les désirs de son amant. C'est là que ça devient passionnant. Où se situe le désir de chacun ? Quelle place doit on lui donner ? Jusqu'à quel point peut/doit-on se laisser dominer par lui.
La domination ! LE thème central du film.
La domination de l'homme sur la femme, de la femme sur l'homme (du metteur en scène sur ses acteurs) qui lui impose ses désirs.
Le sujet de la pièce de l'ado sado maso est un prétexte vite oublié. Polanski, s'en fout un peu et se concentre sur les personnages et leurs jeux. Mettre face à face un homme et un femme et les regarder se défier, se toiser, se battre et s'allier. Cette dinde, vulgaire et inculte de comédienne au rabais va lui réserver bien des surprises. Que veut-elle ? Qui est-elle ? Que cache-t-elle ? Son parler de banlieusarde se change en élocution brillante dès l'enfilage du costume. Il revient par moments quand le personnage de l'actrice revient sur le devant de la scène mais repart dès que le personnage de la pièce refait son apparition et laisse place à la finesse, la culture et la distinction. Le mystère dépasse ce pauvre auteur qui de metteur en scène devient comédien mis en scène par sa comédienne. Ouh là même moi je me perds XD !
Heureusement pour vous, lecteurs, Polanski est plus doué que moi pour raconter et mettre en images cette histoire.
"ok, tu me soumets à tes désirs pervers donc c'est toi qui me domine mais en me soumettant, je te rends dépendant de moi qui te permet d'assouvir tes désirs donc c'est moi qui reprend les cartes en main."
On assiste à la transformation, à la métamorphose de deux personnages.
D'un du(o)el homme femme, on passe à un jeu de rôle en une femme, femme qui devient femme homme puis homme femme face à un homme homme qui devient homme femme puis femme homme.
Vous suivez ? XD
Les rôles s'inversent comme la domination entre les personnages qui passent de l'un à l'autre.
Emmanuelle passe avec un plaisir visible de l'avatar de la pétasse à la divinité en passant par le plus jouissif celui de la psy en porte jarretelles et lunettes.
Le cynisme érudit affiché pourra ne pas plaire et dérouter mais voir la façon dont Polanski joue avec l'image sacro sainte du metteur en scène a vraiment de quoi réjouir. les acteurs sont les Dieux du metteur en scène qui se soumettent à ses diktats pour mieux qu'il dépende d'eux.