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Après Les Diaboliques, continuons sur cette bonne lancée dans l’exploration de la filmographie d’Henri-Georges Clouzot, avec La Vérité. Le changement de registre est certain, pour le retour vers quelque chose de plus terre-à-terre, mais le talent du cinéaste est à nouveau mis à profit dans un film moderne et révolté.


Les procès au cinéma ont toujours eu une portée symbolique, cherchant à porter un certain jugement sur notre monde par le prisme d’un système souvent critiqué. Outre-atlantique, Sidney Lumet l’avait brillamment exposé à travers les délibérations de douze jurés dans le magistral 12 Hommes en colère. Côté français, Henri-Georges Clouzot vient y mettre du sien avec La Vérité, réalisé en 1960. C’est le début d’une décennie lancée par l’émergence du rock’n’roll et pérennisée à travers les libérations des mœurs et les différents mouvements de contestation qui l’ont marquée. En France, Brigitte Bardot est d’ailleurs l’un des principaux symboles de ces changements, et sa place au rôle principal n’a certainement rien de hasardeux. Ici, BB sera à la fois porte-parole et cible d’une vision rétrograde des mœurs et de la jeunesse.


Il casse les vieux préjugés, les jugements basés sur des traditions désuètes, mais aussi l’écrasante phallocratie judiciaire qui prône une vision masculine des faits, empêchant tout discernement lucide sur le véritable déroulement de l’histoire. Le procès est le parfait symbole de ce changement d’époque, au cœur d’un film où une Brigitte libérée et se dévoilant n’a de cesse de nous faire vérifier la date de la sortie du film. Étonnamment, Clouzot n’était pas forcément réputé pour sa vision très positive des femmes, mais, ici, grâce à lui ou malgré lui, il libère la parole des femmes. En effet, la majorité écrasante d’hommes parmi les intervenants du tribunal impose un point de vue masculin sur le jugement porté envers Dominique, présentée comme une jeune femme aux mœurs légères. Et si c’est un point de vue que l’on peut être tenté d’adopter, la structure du récit et la parole de Dominique ont tendance à rééquilibrer les forces, à montrer qu’elle n’est pas juste une jeune femme qui se donne à n’importe qui, mais qu’elle est surtout perdue dans un monde qui ne la comprend pas, et qu’elle souhaite avant tout vivre comme elle l’entend.


Au-delà de ce message sur le droit de parole légitime des femmes, souvent ignorées et rabrouées au milieu des hommes, c’est aussi un système judiciaire mécanique et arriviste, incapable de percevoir les sentiments et passions humaines, qui est jugé. C’est une mécanique rouillée, implacable et écrasante, où se succèdent les jugements, les confrontations, les victimes, accusés et témoins, jugés selon des preuves et des articles de loi. Cependant, la complexité de la nature humaine, la spontanéité des émotions et le caractère souvent irrationnel des sentiments demeurent impossibles à juger avec des critères stricts et établis. Dès lors, la vérité exposée n’est plus la vérité vraie, et le titre du film prend tout son sens.


Dans La Vérité, Henri-Georges Clouzot parvient à livrer divers messages percutants avec pertinence. Tout d’abord, c’est le procès d’une vieille société enfermée dans ses traditions qui est fait, où une jeunesse plus libérée tente de se faire une place et de se faire comprendre malgré les regards inquisiteurs. Ensuite, suivant cette dynamique, c’est l’émancipation de la femme, l’écoute de la parole féminine, l’acceptation, face à un monde où les femmes sont encore au second plan, généralement écrasées par les hommes. La Vérité est autant empreint de modernité qu’il n’expose le spectateur à des visions rétrogrades qui appartiennent à une autre époque. C’est aussi la consécration de Brigitte Bardot qui, plus qu’un simple sex-symbol, s’affirme ici en tant qu’actrice dans un rôle qu’elle mène parfaitement et qui donne toute sa consistance au film de Clouzot. Une nouvelle grande réussite du grand cinéaste français.

JKDZ29
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le 8 août 2018

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JKDZ29

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