La Victime est un film qui, si on excepte l'introduction qui, par son dynamisme, son premier personnage aux antipodes des personnages chics et bien coiffés, et ses prises de vues en extérieur, m'avait fait espérer à une oeuvre plus moderne. Un film donc finalement très classique dans sa mise en scène - il aurait pu sortir dix ans plus tôt que ça ne m'aurait pas étonné. Mais c'est sur le sujet que ce film est important dans l'histoire du cinéma et plus particulièrement de l'homosexualité.
Petits rappels : En France, l'homosexualité est dépénalisée 1791 (!), et toutes les lois encombrantes liées aux démonstrations publiques de cette "maladie" sont abrogées en 1981. En Angleterre, l'homosexualité est dépénalisée en 1967. Le film, qui est sorti en 1961, dénonce pourtant l'hypocrisie britannique vis à vis des homosexuels. Dans le film, on condamne les actes de chantage envers les homosexuels, mais on sait tout aussi bien que les victimes osant dénoncer ces actes sont susceptibles d'encourir à de sérieux problèmes. Car oui, un homosexuel en Angleterre, avant 1967, c'est un hors-la-loi, et il risque jusqu'à dix ans de prison. Le film dénonce cette hypocrisie et les énormes pressions que peuvent subir ces victimes, coincés entre ces maîtres chanteurs, et les lois de leur pays.
Mais le film est assez étonnant par sa légèreté. L'homosexualité n'est pas montrée comme une orientation marginale ; la moitié des personnages le sont, et ce sont des être tout à fait normaux. Et concernant l'autre moitié des personnages, tous ne sont pas homophobes, à commencer par le chef de police et la femme de l'avocat. Autre élément qui participe à cette légèreté : l'absence de démonstration narrative de la descente aux enfers de l'avocat, qui va tout perdre - aux Etas-Unis, une même histoire serait traitée beaucoup plus tragiquement : Tempête à Washington, La Fureur de vivre, La Chatte sur un toit brûlant. Cette descente aux enfer n'est contenue que dans les dernières paroles de l'avocat, avec un ton presque solennel. Le film ne montre donc pas le procès, la chute professionnelle de l'avocat, son homosexualité rendue publique dans les médias etc. Et c'est un peu dommage, car le film se contente, d'un point de vue narratif, de ne montrer que l'enquête que mène Mel, l'avocat, pour tenter de coincer les maîtres chanteurs, et ainsi venger son ancien amant.
D'après moi le film s'est trompé de direction.
Un film important donc, mais dispensable si on s'intéresse pas à la place de l'homosexualité dans le cinéma, et plus largement dans la société.