Rarement satire du colonialisme (mais en existe-t-il beaucoup?) n'a paru aussi insolente. Au-delà de la caricature qui tourne en dérision les quelques français du film, la justesse et la pertinence du propos sont évidentes qui rappellent la domination honteuse de la France sur ses colonies africaines.

Lorsqu'ils apprennent, avec bien du retard, en 1915, que la métropole est en guerre contre l'Allemagne, les colons d'un petit coin perdu dans la savane manifestent un patriotisme belliqueux dont la population indigène fera principalement les frais. L'ennemi allemand, avec qui on cohabitait paisiblement, est à quelques encâblures sur la frontière camerounaise, et répondra brutalement à l'attaque inconsidérée de ses voisins français. Ces derniers, bravaches inconséquents et bientôt dépités, se retranchent derrière une troupe hétéroclite vite décimée puis derrière les conseils judicieux de Fresnoy, l'instituteur. Cet homme de gauche, intelligent et pacifiste, méprisé à cause de cela, n'est pourtant pas épargné par l'ironie pamphlétaire des auteurs. Car Fresnoy, qui n'a aucun mal à affirmer sa supériorité sur ses stupides compatriotes (militaires, commerçants, religieux) se prend au jeu insidieux du pouvoir et succombeaux charme du totalitarisme et de l'impérialisme.

Plus loin que la signification du sujet de l'exploitation des indigènes, plus loin que les portraits très drôles qui tirent le film vers la farce tragique, Jean-Jacques Annaud expose bien plus qu'une situation anecdotique: il met en scène tout simplement la bêtise humaine universelle à travers les paroles et les actes de fanfarons ridicules. Son film

lui a valu un oscar mais sans doute pas la sympathie d'un certain nombre de français...

Créée

le 22 oct. 2024

Critique lue 3 fois

Critique lue 3 fois

D'autres avis sur La Victoire en chantant

La Victoire en chantant
zardoz6704
9

Le meilleur Annaud que j'ai vu

ça dézingue à tout va la France coloniale, j'aime beaucoup. Des colons français imbéciles apprennent avec trois ans de retard que la guerre de 14-18 a éclaté et décident d'aller faire la peau aux...

le 15 nov. 2013

5 j'aime

1

La Victoire en chantant
-Marc-
8

La guerre en palanquin

Une critique drôle et féroce du colonialisme. Les personnages sont remarquablement écrits et interprétés. On retrouve la vieille culotte de peau qui trouve là l'occasion de briller et de jouer les...

le 8 mai 2014

4 j'aime

La Victoire en chantant
etiosoko
3

Caricature de la honte coloniale

Le sujet et la réputation souvent engagée de base des 70’s et 80’s me faisaient redouter un petit navet binaire, caricatural et infantilisant. Mais bon peut-être pas après tout, Jean-Jacques Annaud...

le 24 nov. 2017

2 j'aime

Du même critique

Calmos
inspecteurmorvandieu
2

Critique de Calmos par inspecteurmorvandieu

Le film de Blier résonne comme une réaction au féminisme des années 70. Excessif et provocant, Blier renverse les rôles et ce sont les hommes qui réclament leurs droits, qui se refusent d'être la...

le 21 oct. 2024

2 j'aime

Marie-Chantal contre le docteur Kha
inspecteurmorvandieu
3

Critique de Marie-Chantal contre le docteur Kha par inspecteurmorvandieu

Claude Chabrol tourne une parodie d'espionnage avec la désinvolture qu'il met habituellement à la réalisation de ses films de commande. De fait, les aventures de Marie-Chantal, quoiqu'on y trouve...

le 20 oct. 2024

2 j'aime

Le Château de verre
inspecteurmorvandieu
4

Critique de Le Château de verre par inspecteurmorvandieu

Incontestablement, René Clément a su donner de la rigueur à ce drame sentimental classique, à cet adultère d'un jour entre une bourgeoise lassée et un séducteur cynique. Il est vrai également que le...

le 20 oct. 2024

2 j'aime