Le destin d’Archibald nourrit dès les premières séquences ce qui semble être une comédie noire. La séquence enfantine marie ainsi avec fougue érotisme et meurtre, pulsions antagonistes et complémentaires sur le ton d’un humour assez sophistiqué.
Le récit qui s’en suit jouera toujours sur cette ambivalence : comique et apparemment désinvolte, il permet un regard acide sur la société mexicaine en déployant ses figures féminines : la none, la candidate au mariage social, la bourgeoise dépensière et infidèle… Face à elles, Archibald désire : la succession de séductions et de plans censés le mener au meurtre illustre avec joyeuseté la mécanique du désir, un thème central chez Buñuel : intense, violent, plus puissant que la raison, et le plus souvent soldé par la frustration. Car Archibald est aussi impuissant face à l’acte d’amour qu’au meurtre fantasmé, et le plaisir réel est surtout du côté du spectateur qui assiste aux improbables évolutions d’un scénario retors : celui-ci sauve pour mieux condamner, et les cadavres s’accumulent dans un joyeux jeu de massacre.
On retrouve au gré des conquêtes les obsessions du cinéaste et l’approche surréaliste qui le caractérise : érotisme, et surtout fétichisme, à travers le primat accordé aux objets : la boite à musique, le verre de lait (en référence à Soupçons ?) le mannequin aussi, occasionnant un jeu trouble entre l’original et son modèle de cire qui verra naitre la seule femme digne d’être sauvée… et de sauver le protagoniste sur la voie de la rédemption.
Moins innocent qu’il n’y parait, La vie criminelle d’Archibald de la Cruz déroule les affres du désir mêlés aux prétentions sociales d’êtres se croyant civilisés, sous le regard amusé d’un chef d’orchestre plein de malice.