Enfant,Archibald de La Cruz assiste à la mort de sa gouvernante,qu'il croit avoir provoquée,ce qui lui procure sa première émotion érotique.Devenu adulte,il retrouve la boîte à musique à l'origine de son fantasme et s'engage dans une carrière de tueur de femmes en série.La période mexicaine de Luis Bunuel fut particulièrement féconde et ce film en est un des fleurons.Il a coécrit le scénario avec Eduardo Ugarte,adaptant ici un roman de Rodolfo Usigli.S'appuyant sur la superbe image noir et blanc d'Agustin Jimenez et la musique ironique de Jorge Perez,don Luis livre une magistrale mise en scène et relate avec fluidité et précision les errements psychologiques de son personnage."La vie criminelle" pourrait être considéré comme le jumeau de "El",réalisé deux ans plus tôt,puisque les deux oeuvres s'intéressent au désarroi existentiel du mâle macho latino,à ceci près que "El" adoptait un ton tragique,alors qu'ici c'est l'humour noir qui est de mise.Le jaloux pathologique du film de 53 a fait place à un velléitaire écartelé entre sa bonne éducation,sa foi catholique et ses pulsions meurtrières.Archibald est un homme riche et une figure de la bonne société,mais derrière cette façade se cache un psychopathe qui ne rêve que de recréer l'évènement fondateur de sa libido.Mais Bunuel se moque cruellement de lui et met en miroir son impuissance à tuer et sa probable impuissance sexuelle.En effet,à chaque fois qu'il s'apprête à passer à l'acte,il en est empêché au dernier moment et l'objet de son fantasme meurt rapidement sans qu'il en soit la cause.Les femmes qu'il veut occire ont des accidents,se suicident ou sont assassinées par d'autres que lui,ce qui ne fait qu'exaspérer sa frustration,tout comme celle du spectateur qui s'attend en permanence à le voir sombrer dans le crime.Le cinéaste entretient habilement cette insatisfaction subtile qui maintient le film dans un équilibre stimulant tout du long.Archibald,bourgeois en apparence sûr de lui,fils de bonne famille au physique avantageux,la moustache conquérante,sanglé dans d'impeccables costards à rayures,est ridiculisé en permanence au point de voir sa raison,déjà fragile,chanceler.Bien sûr Bunuel,anarchiste bon teint,rend responsables de l'état de son personnage les moeurs d'une société corsetée oppressive et soumise aux diktats de ses institutions telles que l'armée,la police et surtout l'Eglise,ce qui est lourdement souligné lors d'une scène réunissant un militaire,un flic et un curé.Dans ce contexte,les femmes ne sont qu'objets de convoitise et doivent se résoudre à chercher un mari,fortuné de préférence.Qu'il s'agisse de la vénale Patricia,de la libre Lavinia ou même de la pure Carlota,toutes en sont réduites à chasser le sugar daddy.Si l'autorité des institutions était effectivement trop pesante à l'époque,il est amusant de constater que si elle a aujourd'hui disparu au Mexique,c'est pour être remplacée par celle des gangs et des cartels de la drogue,car décidément on n'arrête pas le progrès.Dommage que la fin en forme de happy-end jure quelque peu avec le cynisme ambiant.Les comédiens,excellents,prouvent qu'on a décidément sous-estimé ce cinéma mexicain d'autrefois.Ernesto Alonso porte le film de bout en bout,alternant brillamment les expressions,entre séduction d'apparat et crispations faciales saisissantes au moment de déraper.Les filles sont belles en plus d'être talentueuses.Rita Macedo,la tapageuse Patricia,ne manque pas de sex-appeal,alors qu'Ariadna Welter laisse entrevoir,au-delà de la pureté,une certaine ambiguïté chez sa Carlota.Il est à noter que Carlota était le prénom de la mère de Rodolfo Uglisi.Et puis bien sûr il y a Miroslava Stern,la star du ciné mexicain,qui joue Lavinia.L'actrice,qui eut Alonso pour partenaire dès son premier film, eut une vie hors du commun.D'origine tchèque,elle dut fuir son pays lors de la Seconde Guerre Mondiale quand les allemands l'envahirent,pour suivre son beau-père,un médecin juif.Elle eut une carrière d'actrice assez brève et connut beaucoup d'amants,notamment le torero Dominguin.Un biopic médiocre lui fut consacré en 93,réalisé par Alejandro Pelayo,dans lequel Miroslava est incarnée par notre Arielle Dombasle nationale.

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le 1 déc. 2019

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