Tomber amoureux
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N'ayant jamais vu de films de Kechiche auparavant, j'avais choisi de visionner celui-ci car j'avais déjà lu la bande dessinée qui est ici adaptée. Et force est de constater que, si l'on retrouve les personnages et certains éléments, le réalisateur ne raconte pas la même histoire que l'illustratrice. La bande dessinée narre une histoire d'amour lesbienne, alors que le film va plutôt raconter l'histoire d'amour entre une prolétaire et une bourgeoise, l'aspect homosexuel et ce que ça implique (questionnement sur sa sexualité, confrontation à l'homophobie) étant secondaire.
Et cette différence de classes sociales, on la retrouve à bien des égards. Déjà, le fait que l'héroïne soit interprétée par une actrice peu connue (à l'époque) du grand public et son amante par Léa Seydoux, qu'on ne présente plus.
Il y a également les scènes de dîners chez leurs familles respectives. La première chez Emma, l'étudiante en art. Comme elle, ses parents sont des bourgeois et pensent que le plus important en terme d'orientation, c'est de faire ce que l'on aime, et peu importe si on tarde à trouver sa vocation, tout finit par arriver, estiment-ils en dégustant des huîtres.
Chez Adèle, on se régale avec un plat de pâtes. Quand ils parlent avenir, les parents sont pragmatiques, terre-à-terre. Ah, artiste-peintre c'est bien joli, mais encore faut-il assurer financièrement. Leur fille veut devenir institutrice, c'est bien ça, c'est concret et elle trouvera aisément du travail.
Et malgré ces différences, c'est un amour sincère et passionné qui lie ces deux jeunes femmes. Passion montrée à travers les scènes de sexe, intenses et longues. Le cadrage desdites scènes tranche d'ailleurs avec celui des autres : dans le film, on a beaucoup de plans larges pour montrer la vie de tous les jours et l'ambiance d'une scène, alors que pour les scènes d'amour, il y a plus de gros plans, ce qui permet de bien rentrer dans leur intimité. Personnellement, je les ai trouvées risibles car leurs gestes me semblaient mécaniques et caricaturaux, mais le message est passé. Elles s'aiment énormément.
Mais la passion ne fait pas tout, il y a aussi leur vie de tous les jours, qui va montrer encore plus leurs différences. Je pense à la séquence où Emma reçoit ses amis à dîner. Cette dernière privilégiera les discussions avec ses amis et invités - et laisse présager sa relation future avec l'une d'elles - là où Adèle se concentre plutôt sur le service et le confort de ses invités, ayant des conversations de circonstance avec eux. Dans la réalisation, la caméra montre Emma et ses amis réunis dans le même cadre et complices, là où aucun des interlocuteurs d'Adèle n'est filmé avec elle.
Lorsqu'elle les écoute, Adèle s'ennuie et sent le fossé entre elle et le cercle d'amis de sa compagne. Pire, lorsque plus tard elle confie ce sentiment à Emma, cette dernière lui répond sans la regarder et lui dit des phrases toutes faites, qui éludent le problème.
Un autre point que j'ai aimé dans ce film, c'est le traitement de la rupture et de l'après. J'ai trouvé les scènes vibrantes et arrivant parfaitement à transmettre les émotions des personnages : la fureur d'Emma, qui a été trahie, et le désespoir d'Adèle, qui voit s'achever cette histoire qui compte tant pour elle. Il y a également le moment où elles se revoient, passage qui peut être difficile entre ex, où l'on voit encore la différence entre les deux : Emma est épanouie, lui a pardonné et est passée à autre chose, là où Adèle regarde encore dans le rétroviseur.
C'est pour toutes ces raisons que ce film m'a énormément plu. Kechiche a voulu raconter ce genre d'histoire d'amour qui compte, qui change la vie de ceux qui la vivent tout en montrant le temps qui passe et le quotidien de son héroïne. Et le plan final, où la caméra reste fixe et où on voit le personnage s'éloigner, conclut parfaitement le film : cette histoire s'achève, mais sa vie à elle continue.
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Créée
le 12 févr. 2023
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