Tomber amoureux
Une fille sort de chez elle au petit matin, s'éloigne dans la rue en remontant son pantalon puis se met à courir pour attraper son bus. Dans le train qui la mène au lycée, elle s'endort et nous...
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le 10 oct. 2013
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La Vie d'Adèle est-il le digne héritier de la dernière palme d'or ? Ayant vu les deux disons simplement qu'Amour est une légitime et belle palme d'or par rapport à la vie d'Adèle qui est limite une blague. Amour est un film touchant, un sujet parfaitement traité, des acteurs et une réalisation impeccable, bref un film maîtrisé et pouvant être mis au rang des essentiels. Ce n'est pas vraiment le cas de La Vie d'Adèle, car dès la première heure du film, on sent que quelque chose ne va pas, et malheureusement, cette impression se confirme jusqu'à la fin...
Tout d'abord en termes de réalisation, c'est relativement pauvre, alors certes le film se veut authentique. Toutefois, l'ambition est littéralement ratée, il faut être sérieux : limite un téléfilm. En parlant d'ambition, la première scène du film illustre celle du réalisateur envers son œuvre : référence à la littérature par le biais d'un cour de philosophie. D'accord monsieur sort le grand jeu, et ne prend pas son dernier bébé comme une oeuvre quelconque. Voulant d'ailleurs bouleverser les mœurs et idéaux de la société, on a l'impression que pour ce dernier La vie d'Adèle sera le prochain film français à ne pas oublier. Triste constat quand on sort de la séance, et qu'on se dit que certains à force de vouloir la jouer « intellectuel », devraient prendre des leçons de cinéma (ou du moins faire du cinéma), au lieu de cité les maîtres du genre. (fin de la langue de serpent)
Le gros problème de ce film qui pourtant se veut (encore une fois) authentique, sonne très creux et faux, sans aucun doute un souci de réalisation. Aucune émotion, ni compassions envers les personnages, simplement aucun génie. Ce qui est d'autant plus troublant, puisqu'Adèle est souvent au pied du mur, et surtout les trois-quarts du film, elle est en larmes... (une vraie fontaine). Ce ressenti peut s'expliquer par l'exagération, et l'insistance qui frôle l'outrance. L'exemple le plus représentatif concerne les scènes ou Adèle exprime ses désirs charnels avec ces partenaires. Les scènes sont beaucoup trop redondantes et surtout trop longues, voir inutiles. Personnellement, je ne vois aucun intérêt à insister autant sur ces passages de la vie de notre petite cruche. D'accord, elle prend son pied, mais franchement sans être dérangé cela fait remplissage... C'est limite surtout quand elles précèdent une scène plus ou moins intéressante, comme la conversation lors du repas entre Emma et les parents d'Adèle. Notons au-delà du problème de mise en scène et de scénario, un problème au niveau des dialogues. Vu la prétention du réalisateur, on comprend difficilement la qualité si déplorable de certains dialogues. Il suffit de prendre la scène de la dispute entre Adèle et Emma, pathétique...
Mais il y a tout de même du bon dans ce film, disons que le fonds et le sujet sont intéressants, mais c'est simplement la forme qui pêche. D'ailleurs, le film n'est pas véritablement pénible, pas d'impression de longueurs. Toutefois, une impression de distance se dégage, aucune magie, ni une quelconque efficacité, on reste de marbre... On comprend bien les difficultés de l'adolescence, des obstacles auxquels Adèle est confrontée pour assumer la découverte et entretenir son homosexualité, ou l'influence par rapport aux milieux sociaux, etc. Sincèrement, tout cela est très intéressant, mais encore une fois s'est très mal présenté et mis en place. Les choses à développer ne le sont pas suffisamment, et les choses qui auraient pu être évitées ou réduites sont illustrées à la limite de l'overdose.
Le film dégage tout de même deux scènes captivantes, que sont les repas de notre couple chez leurs parents respectifs. N'étant pas du même milieu social un contraste flagrant existe entre ses deux familles, mais également au niveau de l'ambiance lors des conversations. Dans celle d'Emma beaucoup plus aisée (disons bobo), une ambiance accueillante et conviviale émerge. L'homosexualité d'Emma est connue et ne pose aucun problème particulier. D'ailleurs, un autre détail mise à part le rang social existe, car Emma fait partie d'une famille recomposée et entretient une relation très joviale avec son beau-père. En gros, c'est une famille moderne, très ouverte, cultivée et qui se dit élitiste. Contrairement à la famille d'Adèle modeste vivant dans une maisonnette où l'on ne mange pas des huîtres ou autres crustacés, mais des spaghettis bolognaises devant « Questions pour un champion ». Lors du repas, l'ambiance est austère, la simplicité des parents d'Adèle suscite la méprise d'Emma. Mais le plus significatif est le mensonge qui tourne autour de cette table, l'homosexualité de leur fille est méconnue, et Emma est vue comme une amie donnant des leçons de philosophie. Toutefois, ce n'est pas le plus intéressant, car la discussion entre Emma et le père d'Adèle mérite toute notre attention. C'est une confrontation idéologique sur l'avenir et la place de la famille, un conflit de générations. Emma est plus égoïste, elle ne pense qu'à son bonheur et ne comprend pas le point de vue beaucoup plus traditionnel de son interlocuteur. Qui pour elle sacrifie son existence et son bonheur, pour devenir un être anonyme et pathétique. C'est le point culminant du film qui fait qu'on se dit : « D'accord, ce n'est pas si mal, mais franchement cela ne suffit pas pour en faire un bon film ».
Ainsi apparaît bien l'idée qu'un immense fossé culturel, social, ou même caractériel, existe entre ses deux amants. Dès leur premier entretien rien ne suppose une relation riche et durable, juste une attirance physique. Tout cela se confirme lors de la réception chez Emma, ou Adèle est une véritable femme au foyer. Elle est complètement perdue dans les conversations des «amis» de sa compagne. De toute manière, le personnage d'Adèle est un être perdu, fragile, pathétique, son seul atout est sa beauté naturelle. Mais le clou est enfoncé après la réception ou nos deux âmes soeur discutent, c'est à la fois déconcertant et captivant. Lors de cet entretien Emma cherche à faire naître l'artiste qui dort en Adèle, et ainsi dit-elle : de pouvoir s'épanouir, et trouver sa place. Mais Adèle répond que son seul bonheur est d'être auprès d'Emma, et que sa petite vie d'institutrice et de "femme au foyer" lui convient parfaitement. Ainsi, la plaie s'ouvre de plus en plus, le milieu social et l'éducation opposent ces deux êtres. Tout ceci renvoie bien évidemment aux scènes de rencontre familiales. Disons qu'après cette conversation à la lumière de chevet, annonce la rupture, et que cette relation était dès le départ une erreur. Du moins, Emma n'a pas réussi à reforger l'être si commun qu'Adèle, et lui transmettre son goût pour la culture et le sens artistique.
Un point plus louable dans la réalisation est l'impression quasi-mystique, que suscite le personnage d'Emma, principalement lorsqu'elles se croisent pour la première fois dans la rue. Cette chevelure bleue, cette assurance, fascine Adèle qui a véritablement le coup de foudre, juste avant le rendez-vous qui va quasiment tout faire balancer, suite à ce simple regard (référence à la première scène du film). Car dès cette rencontre Adèle va être bloquée sexuellement avec les hommes, et va vouloir confirmer son impression avec une fille de sa classe. Pourtant dans la dernière partie du film, elle entretient une relation avec un collègue pendant plusieurs mois. Bizarrement, on a aucune information sur cette relation, même pas une scène pouvant faire reflet avec sa première relation sexuelle avec un homme. Dommage.. Cela donne lieu à la confirmation d'une impression sur la sexualité d'Adèle : est-elle vraiment homosexuelle ? Ou simplement, sa fascination et son amour pour Emma, qui lui fait avoir cette orientation, sans doute. Du moins avec toutes les scènes inutiles présentes dans le film, c'est troublant. Ainsi, Adèle continue à se chercher, elle n'a pas encore trouvé sa place, d'ailleurs la scène finale le montre parfaitement. Les rares moments où elle est pleine d'assurance et à son aise sont dans son travail, et au pieu. Mais le personnage d'Emma n'est pas si solide qu'on pourrait le croire. On a l'impression d'Adèle l'asphyxie, d'ailleurs lisible physiquement. Dès le début de leur relation Emma perd en aura, et se fragilise peu à peu. Cela se voit parfaitement quand elles se retrouvent dans un café après leur séparation. Emma est perdue au niveau émotionnel, et n'est plus aussi forte qu'auparavant, physiquement, elle n'a plus cette originalité et lueur. La muse consuma donc peu à peu l'être supérieur qu'est l'artiste. Ce qui est troublant est le revirement d'Emma qui avec sa nouvelle compagne se rapproche d'idéaux du père d'Adèle. Elle n'est pas véritablement heureuse, ni comblée, toutefois, elle a une famille qui lui offre de bons moments. Cela lui suffit...
La Vie d'Adèle est un film moyen, parfois insipide et agaçant, ou le sujet est traité par-dessus la jambe. Dommage, car il y avait de quoi faire de belles choses, surtout vues la qualité de l'œuvre originale... D'ailleurs ayant vu ou non cette adaptation, je pense que le roman graphique est la meilleure approche concernant le sujet traité. Après si vous désirez par la suite découvrir son adaptation, à vos risques et périls.
Lien vers la BD : http://www.senscritique.com/bd/Le_Bleu_est_une_couleur_chaude/416174
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le 11 oct. 2013
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