J'appréhendais ce film tel qu'on me le présentait vaguement (je n'ai pas voulu trop prêter attention aux avis divers et variés pour ne rien gâcher comme j'aime parfois le faire), c'est à dire à une (des) expérience(s) personnelle(s) d'une jeune femme pour y personnifier grossièrement le sujet d'actualité qu'est l'homosexualité. Il n'en est rien pour ma part. En effet, si le sujet s'y prête, il ne faut pas perdre de vue qu'ici c'est bien une histoire d'amour qui nous est retranscrite. Et de quelle manière ! C'est l'histoire d'une rencontre qui se transforme en romance. Pour ma part, les barrages que présentent l'homosexualité dans le film - je parle ici de l'épanouissement personnel d'Adèle - ne sont pas prépondérants. En effet, la non-présentation d'Emma, l'altercation devant le lycée etc. ne sont que les effets d'une nouvelle vie qu'elle découvre. Des péripéties qui ne peuvent l'empêcher de se sentir heureuse - un peu comme peut l'être la distance d'une séparation spatiale -. Avec Emma, elle trouve le vrai amour, lui donne progressivement tout au fur et à mesure que le temps passe. Dès leurs premières entrevues, la justesse de la maladresse, des silences et des regards fuyants (ou vers les lèvres ou s'immisce bien souvent sa langue...) permettent d'établir une véritable constante : celle de l'amour soudain. Abdellatif Kechiche prend le temps, il expose la vie d'un couple dont la sexualité est la même que celle d'un couple hétérosexuelle à ceci près que les pratiques changent. On y ressent l'intensité - même si dérangeante puisqu'encore peu présenté en grandes salles - d'ébats sensuels, de pulsions et d'envies. Jusqu'au jour où le doute prend place et que tout bascule. C'est là la rudesse d'une relation. Lorsqu'Adèle perd ce qui la rendait enfin heureuse et équilibrée jusque là, le remord la prend. Comprendrons notamment ceux qui vivent ce genre d'événement d'une magnitude si importante. Comment accepter que quelqu'un d'autre entre dans la vie de celui que l'on aime, comment ne pas songer à lui parler alors qu'y penser douloureusement à chaque instant de solitude reste inexorable. Impitoyable, telle est la loi de l'amour devenu impossible par sa faute. Le poids d'une culpabilité la ronge tandis que les rêves érotiques nostalgiques torturent ses nuits. Là est le génie du réalisateur : la précision ainsi que la justesse. J'entends par là que tellement de rigueur est apporté au rapport que l'on a à l'amour. Le bleu prend d'ailleurs une place prépondérante dans le film. Il est le marqueur de la romance dans les apparitions au départ auprès d'Emma, puis d'Adèle lors de la manifestation, pour finalement n'être que du ressort de cette dernière lorsqu'elle revêt la robe pour le vernissage. La grande partie du film qui attire l'attention c'est la détresse d'une jeune fille obnubilée par l'impossible, prêt à tout sans vouloir paraître pathétique ni manquer de respect à celle qu'elle idolâtre. Je voudrais aborder toutes les scènes du film, mais cela serait trop précipité. Poing d'honneur néanmoins à la fin du film : magistrale. Adèle s'en retourne avec ses désillusions et son amour univoque éternel. Elle n'est pas prête à revivre l'amour, impossible. Elle tourne le dos à la caméra s'en va alors que son fidèle prétendant tente de la rejoindre. Elle part endurer son deuil loin de la vue de l'atrocité...

En fin de compte, La vie d'Adèle est une oeuvre qu'il faut apprécier grâce à de la patience et beaucoup d'attention. Outre le fait de parler d'une sexualité "atypique", le film narre comment l'amour sincère, inconditionnel est universel, fragile, éternel. Je me suis beaucoup pris au film, à travers le couple, notamment lors du mensonge avéré d'Adèle. On vit le choc d'Emma, avec plus ou moins de sensibilité, puis la détresse d'Adèle plus tard. Le fait est que l'on apprend l'ultime trahison en même temps qu'Emma pour ne pas pouvoir dénigrer directement le comportement incohérent d'Adèle qui se sentait pourtant seule.

La question soulevée par la fin du film est captivante ici : l'erreur a-t-elle une place, l'amour n'est-il finalement pas assez fort pour panser les blessures ? On ne le saura pas ici puisqu'Emma préfère s'en laisser à son choix brusque sous le coup de la déception, de la trahison ; un choix qui lui est propre et le serait (subjectif, personnel) légitimement à chacun. C'est ici beauté d'un tel choix de scénario vis à vis des films trop souvent parfumés à l'eau de rose.

Abdellatif Kechiche a ainsi su toucher ma corde sensible, avec ce film sur la beauté de l'amour, au travers de cette expérience personnelle unique. Car si l'amour est à la portée de tous, notre rapport y reste particulier.

Adèle, c'est avant tout un coeur simple, au sein d'une tragédie amoureuse.
davidbadstuber
8
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le 12 oct. 2013

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davidbadstuber

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