On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans de retard !

Un film peut-il survivre à son buzz ? A la fois auréolé de son succès Cannois et terni par la guéguerre entre Kechiche et ses actrices relayée par la presse, ainsi que d'une solide réputation d'enculé-de-sa-race envers les techniciens, La Vie d'Adèle frappe finalement les écrans avec beaucoup de succès ( salles combles, gens qui sortent ébaubis... ).

Peut-on pour autant parler de réussite ? Certainement pas !

Pour commencer, le film propose un discours et un point de vue surannés. Qu'en 2013 on ait encore droit à "T'es lesbienne alors que t'as dormi chez moi ! T'as maté mon cul ?" ou "Tu bois de la Goudale, la bière des goudous ?" me glace d'effroi. Je sais pas s'il voulait faire un coup politique en "faisant avancer la cause gay" mais là il la ramène tout droit dans les années 90... Et encore, les films de cette époque ( Les Nuits Fauves, par exemple ) constituaient de véritables cris à la gueule d'une société aux rouages rouillés... Là j'ai quand même l'impression qu'il n'y a plus grand monde après qui crier, et qu'en étalant son récit comme il le fait c'est plus un lent râle qu'un cri.

Trois heures d'un râle cacochyme qui n'analyse l'histoire d'amour qui nous est contée que sous l'angle de l'homosexualité. La même histoire avec un garçon n'aurait jamais eu les honneurs du grand écran. Je pense sincèrement qu'on fera bien plus avancer la cause gay quand un film mettra en scène un couple gay sans que ce soit l'unique enjeu de la projection !

Et puis v'la les honneurs aussi : la photo est dégueulasse, n'a clairement pas appris à se servir du Canon C300 ( il y a dans ce film des blancs cramés de l'enfer et des scènes de nuit tantôt granuleuses, tantôt trop sombres. )
Et le découpage sans cesse au raz-de-la-gueule des gens ne les laisse jamais respirer, pour faire "intime", du coup quand il doit s'approcher encore plus on a des plans tous déformés, immondes.

Des actrices, seule Adèle s'en sort, et même très bien, ce qui m'interdit de détester le film à fond. Juste une chose, faut qu'elle arrête de se toucher les cheveux tout le temps, c'est perturbant. Léa Seydoux, en revanche, sitôt qu'elle parle philo ou art, j'y crois pas un seul instant. Je vois qu'elle récite son texte, qu'elle n'a aucune passion pour Sartre et que Gustav Klimt la laisse totalement indifférente.

Alors... Est-ce que ça valait la peine de se tailler au sein de la communauté une réputation de tyran nevropathe qui traite ses collaborateurs comme de la merde ? Rendez-vous aux Césars pour de nouvelles aventures !