Jamais je n'aurais pensé éprouver autant de sentiments différents juste en suivant la simple histoire d'Adèle. Je regrette même de ne pas avoir vu ce film plus tôt, tellement j'ai été charmé et transporté dans cette histoire. Tant de passages qui me rappelait des moments déjà vécus. Trois heures que j'ai vu passer sans pour autant me lasser, sachant que je me rapprochais toujours d'un autre moment spécial au traitement si passionnant.
Pendant tout le film je m'étonnais de retrouver au sein d'un couple lesbien autant de similitudes avec mon passé sentimental d'hétérosexuel commun. Certaines phrases me semblaient déjà avoir été prononcées avec parfois l'exacte ambiance qui pouvait y correspondre. De même, les expressions sur ces visages féminins soulignaient des sentiments que tout adulte doit avoir connu dans une vie, dans une vraie histoire amoureuse où chacun se regarde droit dans les yeux en souriant bêtement.
Ce film n'est pas un film sur l'homosexualité. Il dépeint une relation avec un réalisme surprenant, qui touchera nécessairement quiconque prendra la peine de se fondre au sein de ce couple en réalité si ordinaire. C'est un long-métrage traitant d'abord de la sensibilité, du sexe comme de la tendresse. Des choses communes à toute relation amoureuse et s'inscrivant dans la durée et fatalement dans l'incertain.
Adèle. On la connait d'abord adolescente et larguée. Larguée de ne pas savoir qui elle est, au-delà du simple sujet de l'identité sexuelle, l'interprétation d'Adèle Exarchopoulos est vraiment convaincante, chargée d'émotion et de réalisme pour transcrire ce malaise si particulier de la première partie. Les multiples transitions de la vie d'Adèle sont visibles et pourtant si naturelles, plongeant le spectateur dans sa tourmente comme dans ses moments naïfs d’allégresse.
Emma et Léa. Peut-être moins impressionnante qu'Adèle, mais tout aussi vraie dans son interprétation. Elle apporte au couple une nouveauté permettant tout le développement narratif et scénaristique dans l'expression des sentiments d'Adèle. Le milieu qu'elle côtoie et ses centres d'intérêts précipitent la manifestation des premières situations de malaise et de questionnement. En ce sens, elle se lie parfaitement à son alter ego tout en gardant cet aspect mystérieux et éminent.
Techniquement, tout est fait pour encadrer cette histoire dans encore plus de réalisme. La caméra tremblotante, les conversations et plans à double-sens. Sans pour autant relever d'une quelconque prouesse de réalisation, le travail de Kechiche est d'une indéniable qualité. Ne serait-ce que dans sa capacité à tirer l'essence des deux actrices et persuader de la sincérité de l'interprétation de ces dernières. On a énormément parlé de ces fameuses séquences, longues peut-être, mais fondamentalement nécessaires à l'expression des sentiments de ces personnages. Les trouver choquantes relèverait de la pure et simple bêtise. L'émotion qui s'en dégage témoigne de la volonté de transmettre davantage qu'une simple relation physique et expérimentale, c'est une vraie révélation pour l'héroïne, qui s'ouvre à un monde aux codes nouveaux qui constitueront sa libération. Les ignorer aurait complètement faussé la progression narrative et aurait fait perdre tout le caractère authentique du couple.
Cette succession de passages étirés – où chaque détail et expression compte – relève d'une formidable alchimie entre la trame scénaristique et la photographie. Blue is the warmest color reflète cette richesse picturale, dans les peintures d'Emma, dans les décors et leur poésie.
Et puis ce dernier plan, si prévisible et fatal. Perpétuellement menés vers cet aboutissement, on se résigne et comprend que toute histoire d'amour se résume nécessairement par un caractère éphémère et sa finalité.