mars 2012:

Foutre dieu, cela faisait belle lurette que je n'avais posé l'œil sur un Mizoguchi! Ayant un méchant souvenir d'un film d'époque du cinéaste avec "L'intendant Sansho", j'ai eu un mouvement de recul quand ma femme a choisi cet autre film prenant cadre une époque ancienne du Japon. On doit être avant l'époque Meiji et Mizoguchi prend possession d'une période obscure pour souligner -une fois de plus avec une remarquable finesse- la condition de la femme.

Je craignais le trait lourd. A mon avis -et je sais que beaucoup vont bondir, puis me maudire- Kenji Mizoguchi est parfois prompt à forcer un peu sur le trait, sans pour autant atteindre à la caricature, mais en sur-dramatisant un brin. Or, ici, je n'ai pas eu ce sentiment.

Ce doit être en partie grâce à la très juste partition de Kinuyo Tanaka, une grande actrice (et dont j'aimerais bien découvrir l'œuvre de cinéaste), Je l'ai trouvée remarquablement maitresse d'elle même, tout en économie, tout en finesse alors que son personnage en prend plein la tronche, passant de Charybde en Scylla, de violence en rejet.

Cette accumulation d'emmerdes et de vilenies, cet acharnement de malchance sur une existence qui parait pourtant d'une simplicité toute ordinaire pour ainsi dire, est admis par O'Haru, comme si le personnage encaissait ce destin de femme, coupable et naturellement opprimée sans la moindre possibilité de révolte dans une sorte d'acceptation stoïque (excusez l'anachronisme autant que les décalages géographique et culturel) et persuadée qu'il n'y a pas d'échappatoire.

Un seul homme l'aura prise pour femme, comme une femme, sans un regard moralisateur, ni culpabilisant ni de réprobation, avec la compassion d'un être humain pour un autre être humain, avec un véritable amour. Mais le sort s'acharne à lui pourrir l'existence. Tous les autres -hommes et femmes- participent à la construction d'un monde hypocrite, pervers, phallocratique, où les apparences et la moralité mal placée tiennent lieux d'assises, de structures d'un pouvoir ultra dominant où les femmes n'ont que très peu de place, celles de génitrices ou de religieuses hors le monde. C'est ce regard extrêmement féministe, tellement propre à Mizoguchi qui a marqué le cinéma de ce cinéaste et qui me plait presque tendrement, alors que le propos ne l'est pas vraiment, plutôt écorché vif, cherchant dans la béance des plaies la chaleur du propos, marquant au fer rouge que l'injustice faite aux femmes, parce qu'elles sont femmes, est un déni d'humanité évidemment inexcusable, une incompréhensible méprise.

Du cinéma de Mizoguchi ressort toujours un discours catégorique et musclé laissant peu de place à la nuance dès lors qu'il s'agit d'une idée maitresse à mettre en lumière ou un sentiment fondamental. Les subtilités et les complications vont plutôt se nicher dans la mise en scène, dans les personnages, alors que l'histoire et sa "morale" sont très nettes, d'une lisibilité éclatante.

Trop à mon goût sur d'autres films, pas sur celui-là. Affaire d'humeur sans doute? Ou d'habitude?
Alligator
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le 20 avr. 2013

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