La vie d'un honnête homme, même fortuné, n'est pas forcément joyeuse.
Son existence bourgeoise aux côtés d'une épouse insupportable (on est bien chez Guitry!) et de fades enfants, a rendu l'industriel Ménard-Lacoste particulièrement aigre. La mort de son frère jumeau lui procure l'occasion de changer de vie et de peau.
Le cas de figure de la comédie n'est pas bien original. En revanche, ce qui l'est, c'est le ton de la comédie. Car Guitry tourne le dos à la farce en n'exploitant pas sur le ton du vaudeville le quiproquo initial. Sa pièce, son film, qui forment une satire de la bourgeoisie, anémiée par le conformisme et l'ennui, ne proposent pas de situations résolument cocasses et ont le bon mot acerbe. C'est un bourgeois désenchanté et désabusé que Guitry met en scène et qu'incarne un Michel Simon très sobre. L'amertume de l'industriel est plus vive encore lorsqu'il se représente la vie de son frère défunt, existence bohème sans doute remplie de voyages et d'aventures.
Le scénario n'est toutefois pas brillant et c'est le dépit teinté d'ironie, celui du Guitry d'après-guerre, qui se substitue à la verve et à la légèreté habituelles de l'auteur, qu'on retiendra surtout.