Il est bon, nécessaire, à certains moments, de reprendre confiance en l'humain et en sa bonté.
De savoir que coexistent sur cette terre des êtres d'une cruauté sans bornes, mais aussi des anges, des saints. Je range Françoise, infirmière libérale lyonnaise, héroïne anonyme, dans cette dernière catégorie.
Ce documentaire est une merveille car il est à la fois d'une gravité existentielle absolument tragique mais aussi d'une grande poésie, brossant le tableau d'être fragiles, qu'adoucissent la mansuétude et l'humour de cette infirmière.
Olivier Ducray réussit à donner naissance à un film - traitant de la dépendance, du grand âge, de la fin de vie et ses multiples douleurs et tourments - sans jamais se livrer à la facilité du pathos ou du misérabilisme. Pourtant, l'empathie, la compassion, transpirent à chaque minute de La vie des gens.
Ces gens, ce sont nous tous, dans quelques années, redevenus dépendants, dépendants du bon vouloir, de la bonté des autres - à nouveau enfants ayant peur du noir, de la solitude, ne pouvant se laver seul... J'ai beaucoup pensé que la vie humaine n'est finalement qu'une boucle, qui ne fait que dévoiler, à l'automne de notre existence, toute l'étendue de notre vulnérabilité.
En écrivant cette critique, je songe à tous ces visages ridés, ces yeux rieurs ou tristes, ces attitudes un peu résignées, ces dos courbés, et je repense à la phrase que me lançait ma grand-mère souvent : "On m'a vue ce que tu es, tu seras ce que je suis."
Contre toute attente, je me suis pris un immense shoot de vie, de vitalité, d'envie, en regardant ce documentaire. Françoise m'a scotchée par son immuable sourire, sa folle énergie - ses patients la surnomment la flèche ou l'étoile filante - la formidable utilité de sa profession, de son engagement : ce genre de personnes qui vous fait lever la tête, que vous voyez comme un modèle d'humanité.
L'humanité - c'est aussi cela que je retiendrais, ces petits moments de complicité malgré la détresse, la lucidité qu'on devine dans les regards, ces rires qui résonnent dans les appartements trop vides, et puis Françoise qui file sur sa trottinette, sur les quais du Rhône, son allant, son élan vers l'autre..
Bravo aussi aux superbes plans de coupe de la ville de Lyon, lumineux, agissant comme autant de souffles dans un récit pas toujours léger.
La poésie file l'ensemble de ce documentaire, sans afféterie ni affectation - voulant juste dire et montrer la beauté du monde et la bonté des gens.
A voir par tous, toutes générations confondues.