Le réalisateur des Tontons flingueurs fait un film punk. Sur le papier, c'est un peu comme deux générations qui s'entrechoquent et un mariage assez improbable. De plus, Lautner n'est pas forcément au meilleur de sa forme à l'époque, venant de cumuler plusieurs casseroles allant de trois Bebel très discutables (Le Guignolo, Le Professionnel et Joyeuses Pâques) à l'une des pires suites de tous les temps (La cage aux folles 3, 1985). A cela rajoutez que parmi les cinq scénaristes, on retrouve Christian Clavier et Martin Lamotte, deux acteurs issus du Splendid alors en pleine ascension au cinéma depuis Les Bronzés (Patrice Leconte, 1978) ; et la théorie commence à se confirmer.
Dès les premières minutes, vous savez que vous allez assister à un sacré spectacle (encore plus pour ceux qui l'ont vu au cinéma), puisque le show hard rock typique de la bande FM 80's qui sert d'ouverture n'a absolument aucun rapport avec le reste du film, si ce n'est que la chanson apparaît quelques fois en fond sonore. Ne t'arrête pas maintenant dit la chanson ? Cela tombe bien car La vie dissolue de Gérard Floque va foncer dans le tas avec une énergie phénoménale.
Roland Giraud incarne un publicitaire marié, deux enfants tout ce qu'il y a de plus banal jusqu'au jour où tout bascule. Sa femme (Clémentine Célarié) le cocufie à domicile (l'effet de surprise n'en est que plus fracassant) avec une star de la télévision. L'ex Charlot Gérard Rinaldi est d'ailleurs à ça de la mise en abyme, puisqu'il était la co-star de la série Marc et Sophie à la même époque. L'une de ses filles revend de la drogue à ses camarades. Il est également licencié suite à une publicité du meilleur goût. Puis vous avez la belle-mère qui l'infantilise (Jacqueline Maillan), évoquant même sa tendance à l'éjaculation précoce en public comme si on parlait d'un film qui vient de sortir ; une collègue punk et sa colocataire (Marie-Anne Chazel et Mathilda May) ; un flic en plein chagrin d'amour (Richard Taxy) ; un patron de boîte pas très fan des punks (Michel Galabru) ; un autre particulièrement faux-cul (Clavier) ; une autre aux questions tendancieuses lors des entretiens d'embauche (Catherine Lachens) ; et vous avez un cocktail explosif qui donne mal à la tête du pauvre Roland Giraud.
Mais pas forcément au spectateur qui assiste à la chose avec un intérêt jubilatoire. Car il faut voir Michel Galabru en plein pétage de plomb carabiné et à ça de l'attaque cardiaque. Tout comme la réaction de Marie-Anne Chazel punk de partout remballant aussi bien le Galabru surexcité (et un brin raciste) que le Clavier cireur de pompe jusqu'au bout des lèvres. Sans compter Roland Giraud qui vire aussi punk que polygame.
Gérard Floque n'est pas déprimé car il n'a pas le temps de l'être. Lautner rythme son film à la vitesse de l'éclair (si bien que l'on ne s'ennuie absolument jamais), si bien que les malheurs de son héros arrivent aussi vite que ses réussites. Sa femme le trompe ? Il va voir ailleurs et explose les compteurs. Il est viré ? Il trouve mieux ailleurs, tout en gardant sa franchise. Même la scène avec Jacques François va dans ce sens, puisqu'il n'a jamais le temps de réfléchir face à une Mireille Darc (au look très 80's là aussi) pressée de savoir où ils vont manger.
C'est dans les dernières minutes que le film se relâche et même là, on a bien envie d'en voir plus. Pas que la fin ne soit pas bonne, mais elle arrive peut-être un peu vite, là où elle aurait pu exploser une dernière porte en rendant la situation encore plus absurde qu'elle ne l'est déjà. C'est d'ailleurs là où Floque se trouve un homologue, puisque le majordome de la villa qu'il loue est aussi dépassé que lui par la situation. Ainsi, à chaque fois qu'un personnage se rajoute, on sent tout le poids du monde tomber sur Michel Peyrelon, au point de rigoler de bon cœur.
Roland Giraud est parfait en mec se prenant un coup de massue et essayant de rebondir par la manière la plus incroyable possible. Chazel étonne en copine tout aussi franche et savourant l'air du temps. Sans compter le reste du casting particulièrement hétéroclite (outre ceux déjà cités : Maaïke Jansen, Dominique Besnehard, Jacques Ramade, Laurent Gendron et même Jackie Sardou !).
La vie dissolue de Gérard Floque n'est peut-être pas une des meilleures comédies françaises des 80's, mais il a une folie furieuse tenant souvent du génie. Pas un succès (648 940 entrées, pas aidé par une affiche peu convaincante pour être gentil), pas un film beaucoup rediffusé depuis, mais qui possède une petite réputation de "comédie barjo", lui permettant de susciter un peu d'intérêt chez le curieux. Il existe même en BR avec une jaquette bien plus représentative. Puis ce n'est pas tous les jours que vous verrez Jacqueline Maillan fumant un pétard, avant de chanter du Jeanne Mas dans une chorégraphie à faire lever vos deux sourcils.