Les premières minutes sont inquiétantes. L'image est laide, les situations forcées, les personnages caricaturaux. Juliette et son mari dînent chez un couple de cons, ils en reparlent le lendemain matin, ne se comprennent pas. On craint que le film ne se hisse pas au-delà. On se trompe.

Sans même qu'on s'en rende compte, en un rien de temps, une atmosphère anxiogène recouvre tout. C'est une prison. On est enfermé. On n'en sortira pas. C'est la banlieue parisienne, la classe moyenne dite supérieure. Les femmes jouent à la maman, les hommes à l'important, les maison sont hideuses, toutes identiques, meublées de la même manière. Le monde se résume aux quartiers à l'américaine, au centre commercial, aux voitures "pour femmes", aux travaux dans la maison, aux dosettes de café expresso. C'est l'enfer. C'est tout ce qu'on ne veut pas. On connait parfaitement ce monde-là, on a quelquefois un pied dedans, c'est un collègue, une cousine, un ami d'enfance.

Coincée là-dedans, encore consciente mais déjà groggy, Juliette mise sur un hypothétique emploi dans l'édition pour sortir la tête de l'eau. Autour d'elle, les mères de famille sont déjà perdues, éteintes, enfermées. C'est la petite vie désespérante de nanties dépourvues de désirs propres, gagnées au monde idéal de Mattel®. Les drames du globe sont à la télévision, juste à côté peut-être. On les déplore, on s'en protège, on en parle avec des mots vides, ils n'existent pas vraiment.

Sur 24 heures de temps, la réussite d'Isabelle Czajka est d'avoir réussi a contenir son récit dans un entre-deux inconfortable. Si l'assise du film est totalement réaliste, les personnages sont sur le fil, à la limite de la caricature. Les dialogues très écrits, les situations banales d'un quotidien codé, le petit vaudeville des convenances sociales parfaitement sexuées, la vie de carton pâte, tout se conjugue pour que le spectateur, toujours le cul entre deux chaises, souriant à demi, gêné de sourire, constamment mal à l'aise, soit partagé entre l'empathie et le dégoût.

Reine en sa cuisine, au bord de l'implosion, Emmanuelle Devos est parfaite. On est encore avec elle. On ne veut pas qu'elle sombre. À ses côtés, un trio d'actrices peuple le théâtre d'ombres : Julie Ferrier, Natacha Régnier et Héléna Noguerra sont toutes trois impeccables. N'oublions pas une excellente Marie-Christine Barrault en mère de Juliette, qui en une scène replace tout en perspective et ajoute au désespoir.

La vie domestique est de ces films qui n'ont l'air de rien mais qui s'accrochent. Humble et besogneux, il installe une mécanique de précision imparable et infiniment destructrice.

On en sort avec un seul désir : fuir à toutes jambes.
pierreAfeu
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le 7 oct. 2013

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pierreAfeu

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