Raconter le quotidien de femmes quadra dans une banlieue chic, tel est l'objectif de ce film, qui apparaît très vite, plus comme une étude sociologique qu'une véritable histoire basée sur un suspens.
Cela ne lui retire pas son intérêt bien au contraire.
Le seul hic, je trouve, est que les personnages secondaires sont un peu trop nombreux et pas assez fouillés, à mon grand regret.
Celui de Juliette, interprété par Emmanuelle Devos ressort très nettement.
Cette mère de famille, critique littéraire et ancienne professeur de lettres, est arrivée depuis huit mois dans ce beau quartier, empli de belles maisons, de beaux parcs, d'écoles proprettes, avec son mari qui est proviseur de collège : une enclave au milieu du chaos.
On suit Juliette tout au long d'une journée, qui prend des allures de marathon, car elle doit gérer de front tout un tas de problèmes et de taches, qui, on s'en aperçoit très vite, fondent son quotidien.
Elle doit bien évidemment s'occuper de ses deux enfants (les préparer, les amener à l'école, aller les rechercher en fin d'après-midi, gérer leurs bains et les préparer au sommeil).
Elle doit aller faire les courses en vue du dîner du soir pour lequel elle a invité deux connaissances du quartier et leurs maris.
Elle se prépare en parallèle à un hypothétique entretien professionnel pour prendre un poste à responsabilité, dans une maison d'édition.
Elle anime un atelier littéraire dans un lycée professionnel du coin, en direction de jeune filles en échec scolaire.
Elle doit également gérer les à-côtés : réserver la baby-sitter qui ne sera pas libre pour le soir même, écouter sa mère lui raconter ses propres frustrations actuelles et passées ...
Elle a quand même , au milieu de tout ça, le temps de se disputer avec son mari, qui ne répond pas à ses attentes ou la déçoit.
Dans sa précipitation, elle n'a même pas eu le temps de lui dire qu'elle attendait un entretien professionnel pourtant essentiel pour elle, et qui changerait non seulement sa vie, mais également, la vie de toute la famille.
D'ailleurs, dès le début du film, on voit que sa vie de couple est un peu sur la brèche, rongée par le quotidien, les habitudes et la frustration.
La veille, son mari a quasiment approuvé les propos racistes, sexistes et réacs de leur hôte, chef d'entreprise, qui va fournir le collège en matériel informatique. Et elle garde beaucoup d'amertume de cette soirée, surtout de l'absence de réactions de son mari, face aux attaques personnelles que cet homme poisseux a proféré contre elle.
Du coup, en signe de vengeance, elle se moque de son époux quand il exprime du désir pour elle au réveil, en lui disant qu'il doit cocher cette activité à son planning... Puis les enfants se réveillent, et c'est encore reparti pour une journée endiablée, sans répit, mais somme toute, assez morne, ennuyeuse pour cette femme qui rêverait d'une autre vie ....
Juliette croise dans son périple, plusieurs autres mères de famille, qui ont l'air aussi désabusées qu'elle.
Il y a Betty (Julie Ferrier) qui semble débordée par ses deux enfants, surtout le plus jeune, Robinson, et qui est visiblement pas mal frustrée elle aussi, dans sa vie. On le perçoit au fur et à mesure et cet élément se confirme dans la scène finale du repas, lorsqu'elle intime plusieurs fois l'ordre à son mari de ne pas s'étaler sur sa vie professionnelle (il est architecte-urbaniste et travaille sur le projet du Grand Paris). Elle semble saoulée et aussi sans doute un peu jalouse du fait que lui s'épanouisse professionnellement et pas elle, malgré le fait qu'elle ait bataillé pour parvenir à ce niveau social, elle qui vient d'un milieu populaire, qu'elle ne souhaite pas recroiser (cf le dialogue sur le décès de sa grand-mère).
Il y aussi Marianne (Natacha Régnier), enceinte de six mois de son troisième enfant, qui parait très fatiguée, désabusée elle aussi, se sentant quasiment inutile, vidée, malgré l'enfant qu'elle porte.
Pour l'aider et remplir sa vie aussi, elle vient de recruter une jeune fille au pair, qui lui semble très insouciante. "La vie lui parait tellement simple" confit-elle à Juliette, pour décrire l'attitude de la jeune femme. On sent poindre l'envie d'un retour en arrière, d'une jeunesse innocente perdue, loin des soucis matériels et maternels.
Il y a enfin Inès (Helena Noguerra), une femme très belle, qui parait très libérée, mais qui l'avoue sans fards : son fils est "aussi insupportable que son mari" (sic).
Bon, on pourrait s'ennuyer devant ce film (de nombreux spectateurs le lui reprochent d'ailleurs), mais précisément il parle de l'ennui. Il n'a pas l'air de se passer grande chose dans la vie de ces femmes, de ces couples, mais à l'instar de la série Deseperate Housewives, à laquelle on ne peut s’empêcher de penser, filmer, observer le quotidien, n'est-il pas intéressant, porteur de vérité universelles ?
Isabelle Czajka, la réalisatrice, dresse un portrait souvent féroce de ces bourgeoises désabusées, mais c'est un regard aussi plein d'empathie : on se met à leur place, on souffre avec elles.
Ce portrait dénote d'une société dans laquelle les femmes s'occupent encore énormément des enfants et des taches ménagères (ce qui correspond à une vérité sociologique que de nombreuses enquêtes ont confirmé très récemment), dans laquelle elle peinent à trouver un véritable épanouissement professionnel et une place à hauteur de leurs ambitions dans la société.
Une société dans laquelle les maris rentrent tard le soir à la maison, dans laquelle les enfants sont rois, et dans laquelle les couples sont vacillants, perturbés par ce déséquilibre entre les femmes et les hommes.
En en filigrane, ce que nous montre aussi la réalisatrice, mais qui apparaît ici au second plan, c'est une société dans laquelle les inégalités sociales sont frappantes, mais où les mères peuvent tuer leur enfant, et qu'aucun quartier, aucune couche sociale ne saurait être épargnée de ce désarroi, qui peut surgir à n'importe quel moment et avoir des conséquences dramatiques.
7.5 /10