Les familles Groseille,des prolos tapageurs,malhonnêtes et bas de plafond,et Le Quesnoy,des notables cathos chics et coincés du cul,apprennent que leur fils Momo et leur fille Bernadette ont été échangés quinze ans plus tôt à la maternité.Les Le Quesnoy,des gens bien et responsables, acceptent d'accueillir Momo chez eux tout en gardant Bernadette à la maison,ce qui ne dérange nullement les Groseille tant que les bourgeois les payent pour assurer cet arrangement.Le premier film réalisé par Etienne Chatiliez a sonné comme un coup de tonnerre en cette fin des années 80 avec son histoire originale et sa vision très politiquement incorrecte des rapports sociaux au sein d'une société française fracturée.Chatiliez a coécrit le scénario avec Florence Quentin,sa complice des débuts,qui est également coproductrice de l'oeuvre.Avec le recul ça reste un bon film mais les coutures un peu épaisses sont apparentes.Des scènes au ton incertain qui n'ont jamais l'air d'aller au bout de leur propos,un humour en demie-teinte et une description ultra caricaturale des classes sociales handicapent l'ensemble et laissent penser que les auteurs auraient pu faire mieux et aller plus loin.Les Groseille comme les Le Quesnoy sont si excessifs dans leurs comportements comme dans leur psychologie qu'on a du mal à croire aux protagonistes et aux situations développées.Les pauvres sont dépeints comme des délinquants professionnels dépourvus de tout sens moral,on est à la limite du racisme social,tandis que les riches sont les prototypes des collets-montés inféodés aux convenances et prêts à toutes les bassesses pour sauver les apparences.Cet aperçu très noir d'un choc civilisationnel interne est cependant souvent drôle et on voit les zonards corrompre progressivement la famille "balai dans le cul".Au contact des terreurs de HLM,les enfants Le Quesnoy découvrent ravis le sexe,l'alcool et la drogue tandis que leurs parents sombrent et perdent leurs repères.Au coeur de l'histoire émerge une pertinente réflexion sur les questions d'inné et d'acquis.Au bout de 15 ans les enfants sont devenus les produits de leurs milieux et de leurs éducations respectives.Momo est une sorte de caméléon capable de singer les codes bourgeois tout en restant en réalité la petite raclure de voleur trempant dans toutes sortes de trafics,alors que Bernadette,même connaissant sa filiation,reste une jeune privilégiée snobinarde qui n'éprouve que mépris pour sa famille biologique.Le malin et manipulateur Momo est incarné par un Benoît Magimel qui faisait là ses premiers pas au cinéma et affirme déjà un talent naturel éclatant.Son frère aîné a les traits de Tara Römer,jeune acteur prometteur dont la carrière sera hélas interrompue par son décès survenu en 99 à l'âge de 25 ans,suite à un accident de la circulation.Les parents Groseille sont joués par Christine Pignet et Maurice Mons,plus vrais que nature en "salauds de pauvres".Côté Le Quesnoy,André Wilms et Hélène Vincent forment de manière brillante un couple de la haute gnangnan et conventionnel à souhait.Quelques seconds rôles de luxe interviennent opportunément avec Daniel Gélin en toubib queutard antipathique,Catherine Hiegel en infirmière amoureuse déséquilibrée et Patrick "Jésus,reviens" Bouchitey en curé chantant excité,grand numéro garanti.Par contre Catherine Jacob,pourtant célébrée comme une des révélations du film,en fait comme toujours des tonnes sans convaincre en bonne idiote.