"A candy-colored clown they call the sandman...". C'est ainsi que débute In Dreams, mythique chanson de Roy Orbinson pertinemment utilisée par David Lynch pour illustrer une scène culte de Blue Velvet. Le sandman en question aurait très bien pu être le personnage principal de La Vie Rêvée De David L., long-métrage coréalisé par Paul Lê et Julien Pichard qui ont eu l'idée saugrenue (et terriblement casse-gueule, avouons-le) de baser l'intégralité de leur film sur le travail cinématographique de Lynch. Principalement Blue Velvet, Twin Peaks et Lost Highway qui restent les essentielles sources d'inspiration de cette œuvre singulière ou le pire côtoie le meilleur.

David est étudiant en art et intègre une nouvelle fac dont l'atmosphère générale est particulièrement étrange, voire glauque. Entre Fred, son coloc' saxophoniste à l'attitude fantomatique, les énigmatiques étudiantes qui lui tournent autour (Laura & Audrey) et des hommes peu recommandables (Bob & Frank), David bascule dans un univers cauchemardesque où apparaît brusquement une jeune femme virginale se déplaçant en fauteuil roulant. Une forme de pureté que David va s'efforcer à détruire...

Tout n'est pas très fin dans La Vie Rêvée De David L. D'ailleurs, les auteurs s'en sont défendus en soulignant que ce n'est pas un film dédié à David Lynch, mais bel et bien une œuvre personnelle qui rend hommage au cinéaste américain. La frontière reste néanmoins infime, même si quelques bonnes idées sauvent le long-métrage du naufrage absolu. Le point le plus positif de l’œuvre reste certainement la galère que rencontre le protagoniste au sein des nombreux couloirs labyrinthiques de sa fac. Étant moi-même étudiante, tout est ici parfaitement crédible quant aux situations parfois humiliantes traversées au sein de l'administration estudiantine. Malheureusement, le surjeu de la plupart des comédiens trahit trop souvent la crédibilité du propos et l’œuvre patine tout en se rattrapant maladroitement aux nombreux clins d’œil adressés à l’univers lynchien. De ce fait, La Vie Rêvée De David L. n'est pas vraiment un bon film, mais il n'est pas non plus irregardable grâce à sa profondeur, certes ténue, mais sombrement poétique incarnée par une jeune femme en chaise roulante, aussi adorable que fragile, qui va subir l'infâme cruauté de l'artiste en proie à ses propres démons.

Comme chez Lynch, Audrey danse et Laura saute sur tout ce qui bouge. Et comme chez Lynch, la violence surgit de partout et de nulle part à la fois. Elle est simplement omniprésente. Dans la compétition entre les élèves. Mais aussi dans la corruption, la manipulation, les rapports amicaux, amoureux (et incestueux). Dans l'art et, surtout, dans l'innocence, bafouée, méprisée et détruite. En ce sens, l’œuvre reste certes marquante, mais aussi emprisonnée de ses inutiles hommages au célèbre cinéaste américain. Un film bancal et formellement pompeux, sauvé in extremis par son fond et le jeu tout en sensibilité de la superbe comédienne Marguerite Dabrin qui incarne l'handicapée motrice et que l'on croisera un peu plus tard dans des séries populaires comme Plus Belle La Vie et Section De Recherches.

Bref, rien de transcendant dans cette Vie Rêvée De David L., réservé aux cinéphiles dont la complémentarité reste capitale face à l’œuvre de David Lynch.

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le 11 mai 2024

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