Une vie en retrait. Employée de bureau dans une petite ville d'Oregon, Fran reste à l'arrière-plan de celles de ses collègues de bureau, écoutant leurs conversations banales et répétitives sans jamais y faire acte de présence. Bloquée par sa timidité et son incapacité à tisser des liens avec autrui, la jeune femme est devenue depuis un temps indéfini la captive consentante d'une forteresse de solitude, omniprésente à l'image par la prison des bandes noires d'un format 1.33:1, l'ayant réduite à un simple rang d'observatrice silencieuse de sa propre existence. Entre les décors artificiels de son espace professionnel et le vide d'un appartement qui l'attend chaque soir, ses seules envolées rêveuses semblent désormais se réduire à des visions de son cadavre disposé de façon aléatoire dans les paysages pluriels de la région...
Il faut bien le dire, Rachel Lambert fait des merveilles pour nous immerger dans le quotidien isolé de Fran, nous faisant découvrir son microcosme de bureau, seul endroit laissant un champ du possible à des interactions, à travers ses yeux de spectatrice passive qui s'est résignée par la force des choses à ne plus y avoir un rôle actif, et ce peut-être pour toujours. Porté essentiellement par le jeu physique, forcément en économie de mots, d'une excellente Daisy Ridley (son personnage n'a de vraie réplique qu'à partir d'une vingtaine de minutes), "Sometimes I Think About Dying" prend le temps de faire déteindre toute cette aura perpétuelle de solitude qui ne quitte plus le personnage à travers la répétition de journées ternes, où un semblant de sourire et un ou deux mots prononcés en deviennent la principale attraction que Fran se remémore le soir comme un évènement majeur. Sans pour autant sombrer dans la dépression qui pourrait couver chez une telle héroïne incomprise, habitée par des représentations de son propre corps dénué de vie, le sentiment de bloquage irrépressible qui la gouverne habite complètement la première partie du long-métrage grâce aux forces combinées de la réalisatrice et de sa comédienne.
Un élément "perturbateur" en la personne de Robert, un nouvel employé, va évidemment faire son apparition en se mettant à parler plus que quiconque à Fran (juste quelques mails échangés au travail dans un premier temps). Dès lors, "Sometimes I Think About Dying" va se parer d'une note plus romantique et d'espoir quant au réveil de son héroïne vis-à-vis de cette attention non sollicitée mais, en voulant trop jouer la retenue et sans doute garder un sentiment de vérité, le film va parfois manquer le coche de nous emporter dans les émotions qui -on l'imagine- bouillonnent dès lors chez Fran.
Tout en restant toujours très intéressant à découvrir via la manière dont va évoluer Fran lors des divers rendez-vous et rencontres qui vont égrener le reste du film (la séquence de la fête est la plus réussie), "Sometimes I Think About Dying" restera hélas peut-être un peu trop timide lui aussi pour faire rejaillir et ressentir à l'écran la manière dont Fran est ébranlée et mise face à sa fragilité au fil de ces situations.
Certes, une belle séquence finale en forme de reflet à ses propres doutes ou les ultimes instants viendront augmenter quelque peu la charge émotionnelle véhiculée mais on ne pourra pas s'empêcher de se dire qu'une fois de plus la prestation de Daisy Ridley n'y est pas étrangère, probablement plus que tout le reste.