La vie ratée de Walter Mitty
La Vie Rêvée de Walter Mitty est un des films que j’attendais le plus en 2013. Comble du bonheur, le film débarquait le 1er janvier, signe qui ne trompe pas. Même si j’émettais quelques réserves parce que la BA est parfois faussée. Une bande-annonce qui annonçait un film mélancolique, léger, avec cette petite touche de Truman Show, Into the Wild et la folie douce de Ben Stiller. Une adaptation de la nouvelle Secret Life of Walter Mitty de 1939, que Ben Stiller porte à l’écran dans sa deuxième version.
La musique, le montage, les chouettes idées que l’on voyait donnait vraiment envie, et ça n’a pas trompée puisque autour de moi, beaucoup en parlait comme un film qu’ils attendaient, simplement grâce à la bande-annonce. Pour rappel, Walter Mitty (Ben Stiller) est un cadre travaillant comme chef de la section de développement des négatifs à Life Magazine. Suite à l’arrivée du numérique, le magazine est vendu à des hommes d’affaires sans scrupules qui commencent à virer des gens. Mais il faut sortir le dernier magazine, et pour cela, Walter doit développer la dernière photo de Sean O’Connell (Sean Penn), un photographe hors norme voyageant à travers le monde et dont cette photo est la quintessence de son travail. Sauf que cette photo en question est perdue. Pour pouvoir sortir la dernière édition dans les temps, Walter va devoir voyager et sortir de ses habitudes pour retrouver le photographe ainsi que la fameuse photo. Un pitch qui donne envie, surtout que le personnage principal, Walter Mitty, a la capacité de partir sur la Lune, de rêver des versions différentes de la réalité. C’est un homme simple, trop ancré dans son quotidien et qui n’arrive pas à avouer son attrait pour sa collègue de travail. Evidemment, c’est ce voyage qui va lui changer la vie. (Attention, ça SPOILE un poil)
Bref, un contexte passionnant. Malheureusement, c’est sans compter sur la maladresse de la réalisation et ses errances d’écriture qui plombe un film qui avait le potentiel pour faire quelque chose de grand. Je n’ai douté à aucun instant de la volonté de Stiller de faire un bon film, et je voulais l’aimer, ce film. Mais à aucun moment, j’étais dedans. Jamais dans le film j’ai réussi à accrocher au personnage, qui brûle un peu trop vite les étapes. A chaque fois qu’une scène commençait à me prendre un peu aux tripes, la suivante ne faisait que me repousser, par sa maladresse, par la mauvaise écriture, par le rythme étrange et mal fichu. Déja, le premier point vraiment loupé, ce sont ces fameux « rêves » de Walter Mitty. A part celles présentes dans la BA, les autres ne sont jamais subtiles, toujours amené de manière frontale, et on ne doute jamais que ce qu’il est en train de vivre est un rêve (par moments, évidemment, c’est évident). La manière d’amener les choses est tellement maladroite qu’on ne prend pas au jeu, soit parce que le rêve est trop direct et à sens unique pour avoir un véritable sens (le rêve de la statue), soit parce que le rêve en question est totalement à côté de la plaque sur l’humour et le propos du film (la scène « Benjamin Button », la poursuite « super-héros », WTF??). Même d’une manière générale, Stiller jongle avec des scènes plus poétiques, plus tendres qui fonctionnent pas mal, avec des scènes d’humour et de gags qui n’ont rien à faire là et qui rappellent plus un Mary à tout Prix dans le genre.
Ensuite, le film enchaîne des scènes de dialogues qui tombent franchement à plat, en particulier entre Walter et Cherry, la fameuse fille du bureau. L’écriture y est sans relief, ça parle pas toujours de choses intéressantes, sans pour autant faire avancer l’histoire, et la progression de l’intrigue finit par s’embourber dans des fausses pistes sans qu’on comprenne vraiment comment on en est arrivé là. C’est dommage, il y avait de belles choses à faire, mais la plupart du temps, ça a du mal à fonctionner, tout simplement. Enfin, le rythme du film casse toute l’ambition qui pourrait y avoir. Principale cause: pourquoi avoir coupé le voyage en deux? Je commençais à apprécier les paysages et à enfin accrocher un minimum, mais Stiller décide de refaire un crochet par chez lui avant de repartir de plus belle, tout ça pour relancer une intrigue qui aurait pu beaucoup mieux s’agencer. Un choix réellement douteux, qui fait qu’on décroche du voyage alors que le principe c’est qu’il se serve de cette expédition solitaire pour en sortir grandi. Une maladresse de plus. Dans tout ça, il y a quelques fulgurances malgré tout. La scène avec Space Oddity fonctionne vraiment bien, dans sa réalisation, sa musique et son montage. Et aussi parce qu’il y a du David Bowie, ça aide beaucoup! Enfin, les scènes avec Sean Penn sont les meilleures du film, tout simplement parce qu’il amène une conclusion attendue qui aurait eu encore plus d’impact si le reste avait suivi. On se retrouve avec deux hommes qui ont lutté pour arriver où ils en sont, et le discours de Sean Penn est exactement les propos que j’aurais voulu sentir durant tout le film, sans jamais y parvenir: un pélerinage, hors de la vie active et du monde moderne, un homme confronté à ses rêves et qui se retrouvent enfin à faire ce dont il a toujours rêvé.
Il y avait tant à faire, et c’est ce qui me pousse à descendre le film. Il y avait tellement de potentiel que c’est terriblement dommage de rater à ce point le coche. A des courts moments, j’ai vraiment senti du Ben Stiller tout craché, avec de l’humour à la Tropic Thunder, mais c’est un humour qui n’a rien à faire là. Walter Mitty se retrouve changé dans le film, je le comprends aisément par ce qu’il traverse, par les souvenirs de son enfance, de ses premiers boulots qui étaient les débuts de sa mise en cage dans la société actuelle, sans lui avoir donné la possibilité de trouver sa véritable voie. Des éléments qui sont insérés dans le film, mais dont Stiller ne tire pas suffisamment parti (la scène à la pizzeria Papa’s John, important par rapport à Walter mais très mal mise en avant). Stiller arrive à magnifier les paysages d’Islande ou du Groenland dans ses images, mais jamais il s’en sert vraiment pour porter son personnage. Il ne sera là que pour faire ce dont il a toujours eu envie, sans jamais y aller à fond.
Voilà, Walter Mitty est une immense déception. Là où Stiller aurait pu accoucher d’un film grandiose sur le dépassement de soi, sur la volonté de vivre sa vie et de quitter le monde moderne pour voir ce qu’il y a autour, mais c’est peine perdue. Beaucoup de maladresses qui font que je n’ai jamais accroché au propos de Stiller, alors que je n’attendais que ça. C’est peut-être mon point de vue, puisque beaucoup de gens ont applaudi à la fin de la séance, mais je ne me suis pas senti aussi enjoué qu’un Into the Wild ou un Truman Show, deux films sensiblement proches mais bien plus maîtrisé que celui-ci. Un autre réalisateur aurait été à la barre, le résultat aurait peut-être été beaucoup mieux. Tant pis.