Que c'est bon de temps en temps un film sans musique. C'est là qu'on voit si un film est bien rythmé, car souvent cet artifice facilite la tâche du monteur. Ici, ça se tient rudement bien, on ne s'ennuie jamais, et pourtant c'est sacrément contemplatif.
Le scénario est assez solide ; son efficacité tient de sa simplicité : des personnages très bien présentés, dont l'objectif est clair et limpide. Si bien qu'on sent très vite les futures querelles arriver. Et c'est d'ailleurs ce qui fait l'histoire, lorsque des personnages veulent la même chose pour des raisons différentes. L'évolution du héros est aussi prévisible que bien construite et donc crédible.
La mise en scène est ce qui brille le plus ; Wellman transcende son scénario grâce à des partis pris risqués. Il refuse ainsi de mettre de la musique sur son film laissant ainsi le montage parler de lui-même, l'émotion naître d'une image silencieuse. Autre particularité, il s'inspire de l'expresionnisme pour composer des plans de toute beauté ; ses décors sont également très travaillés, autant que le noir et blanc. De cette inspiration peuvent jaillir diverses interprétations. La mienne est que cette ville ne reflète rien d'autre que cette femme abandonnée au milieu d'un désert avec son grand père ; l'or que les brigands tentent de lui prendre est un ersatz de son innocence qu'elle défend farouchement.
Enfin, il est à noter une scène particulièrement audacieuse : le duel. On est à peine en 1949 que Wellman souhaite ne pas tomber dans cette tradition déjà démodée à son goût. Ce n'est pas tout, En filmant de la sorte, il montre bien que ce n'est pas un western qui l'intéresse vraiment, mais plutôt un drame initiatique, celui d'une jeune femme qui va s'émanciper dans de terribles conditions.
Bref, "La ville abandonnée" est un western qui prend aux tripes. Peut-être pourra-t-on reprocher quelques longueurs, mais il y a tellement de scènes formidables qu'on ne peut que pardonner.