Les lois sérieuses et implicites de la critique ciné veulent que tout remake soit moins bon que le premier film, ce dernier étant de facto moins réussi que l’œuvre originale dont il est tiré. Tout cinéphile sérieux se doit de respecter ces lois, au risque d’être tourné en ridicule par ses confrères. Et tout bobo dans un dîner mondain doit faire savoir que le livre, qu’il a forcément lu lors d’un important voyage d’affaires ou de vacances fantastiques, était bien meilleur que ce nullard de réalisateur qui n’a rien compris à la clairvoyance du digne écrivain.
Tant pis pour cette critique mais tant mieux pour moi, je n’ai pas vu Deux hommes dans la ville de José Giovanni avec Jean Gabin et Alain GrosMelon. Je vais donc vous parler du remake, actuellement au cinéma pour plus très longtemps : La voie de l’ennemi.
Garnett (Forest Whitaker), ancien membre d’un gang du Nouveau Mexique, sort de prison après 18 ans pour avoir tué l’adjoint du shérif à coups de pierre. Une sombre histoire de vol organisé de pots de Nutella que je vous laisserai découvrir. Néanmoins, sa liberté n’est que conditionnelle et Garnett devra passer les trois prochaines années de sa vie sous surveillance de l’agent de probation Emily Smith (Brenda Blethyn). Cette dernière a récemment déménagé seule au Nouveau Mexique dans une maison perdue au milieu du désert, sans mari, sans enfant, sans chien. Son kiff, c’est plutôt de démonter/remonter son arme en buvant du whisky et avec de la chanson française dans les oreilles.
Revenons à Garnett. Son temps en prison s’est (étrangement) bien passé. Il a obtenu l’équivalent du Bac et s’est même converti à la religion pour contrôler ses accès de colère. Garnett est un autre homme désormais, son costard de sérieux travailleur le prouve, et il n’aspire qu’à trouver un travail et une femme. Une nouvelle vie, simple et sans débordement. Malheureusement pour lui, il se retrouve bloqué dans cette petite ville perdue dans l'immensité désertique du Nouveau Mexique avec le shérif Bill Agati (Harvey Keitel), qui compte bien continuer de le faire payer pour son crime, et son ancien boss gangster (Luis Guzman) qui lui aimerait bien que « Garnett le tueur » reprenne du service.
Sans surprise, Forest Whitaker et Harvey Keitel sont excellents. Je suis un peu moins convaincu par Brenda Blethyn, mais il n’y a rien de très gênant. Mention spéciale pour la photographie tout de même ! La voie de l’ennemi propose quelques très beaux plans désertiques, bercés par une magnifique lumière.
Le réalisateur, Rachid Bouchare (Hors-la-loi), démontre parfaitement à quel point la réinsertion dans la société est compliquée pour un criminel, même avec les meilleurs intentions du monde. Le passé ne s’efface pas et il y a toujours quelqu’un pour vous remettre la tête dans votre propre merde, fût-elle vieille de 18 ans. Malheureusement, son message est assimilé par le spectateur au bout de 45 minutes de film et la suite ne propose guère plus que ce qui a déjà été dit. La situation de Garnett évolue très peu. Son affrontement avec Bill, pourtant promis sur l’affiche, n’arrive jamais. La fin est bien trop prévisible pour arriver si tard.
Un film n’a pas besoin de durer 2h pour être considéré comme intelligent et une coupe d’une vingtaine de minutes aurait certainement donné plus de puissance au récit. Le charisme de Forest Whitaker, et la réalisation classique mais efficace, nous aident toutefois à tenir jusqu'au bout. Finalement, vous revoyez votre maman vous dire "ne va pas en prison, ça complique bien la vie". Maintenant, je sais que tu avais raison, maman !