Iris est un fantôme. Elle apparaît sans qu'on l'ait demandé, aussi soudainement et mystérieusement qu'elle disparaît, après avoir exhumé les vérités et les mensonges, laissé son petit grain de sel dans la vie de ceux qu'elle croise et dont elle change la vie à jamais. Elle est l'élément perturbateur du récit des autres.
Isabelle Huppert, pour la troisième fois auprès du réalisateur coréen, se prête à ce petit jeu, le fait à cœur joie, mutine, piquante, le cheveu rebelle, effrontée et plus jeune que jamais. Elle en devient même gênante d'intrusion, incernable, manipulatrice, séductrice, tel un ange moralisateur venu d'ailleurs et pas loin d'être déchu.
Il est surprenant, pour ne pas dire déstabilisant, de voir Hong Sang-soo se laisser aller dans cette direction et, guidé par sa comédienne, s'abandonner. S'il met en place son habituelle mélodie répétitive (et presque fantastique lorsque celle-ci se replie temporellement sur elle-même), il n'hésite tout de même pas, français oblige, à tendre vers le marivaudage et la comédie, genres qui ne lui sont pas étrangers mais qu'on n'avait pas vus aussi directement abordés depuis un moment dans sa filmographie.
On pourra lui reprocher que la mécanique semble parfois lui échapper, revenir à quelque chose de plus consensuel, et regretter que sa ritournelle ne paraisse qu'un cadre qu'il s'impose pour se donner des semblants de maîtrise.
Car Iris, par sa seule présence et les graines qu'elle plante sur son passage est créatrice de mystère et de ruptures. Et de ces ruptures qu'elle provoque restent un goût amer, une étrange détestation de ce personnage, sentiment sur lequel Hong Sang-soo, bien malin, joue pour plonger progressivement son spectateur dans une forme d'étrange gravité, incarnée tout entier par cette déchirante séquence entre une mère et son fils.
Le tout évidemment nimbé dans l'inimitable poésie de son auteur.