Les Cinq Piles d'une Même Face

La famille c'est quoi, ou plus précisément, la vraie famille c'est quoi ? Les liens du sang, ceux du coeur ? Une idée sociale étriquée ou un lien intime très personnel ? Fabien Gorgeart est un réalisateur maître de son sujet de fond et de sa forme technique.

D'un côté, il y a la famille de sang, un père, une mère et deux fils. De l'autre, il y a un jeune garçon de 6 ans placé dans cette famille par l'assistante sociale depuis ses 18 mois le temps que son père biologique remonte la pente suite à la mort de sa femme. Au centre névralgique de tout cela, il y a la vraie famille. Le cinéaste nous embarque à la croisée des chemins entre l'épicentre heureux de la famille recomposée et le tragique séisme de la séparation imminente.

Ainsi prend forme cette réflexion pertinente et traitée avec une sensibilité toute particulière où Fabien Gorgeart implique le spectateur dans tous les aspects de son cheminement narratif et artistique.

En effet, La vraie famille n'est pas de ces récits qui ne jugent de sa valeur que par la force de son histoire sans prendre en compte le médium par lequel il passe. La caméra est au coeur de l'énergie qui anime le quotidien de cette double famille portée par la déchirante composition de Mélanie Thierry. Jamais démonstrative, la caméra se veut être le spectre du spectateur ainsi plongé dans une réalité euphorique et malheureuse. Elle capte à l'échelle des personnages les différentes nuances des émotions que l'on reçoit avec toute la sensibilité et la fébrilité de liens qui ne veulent pas se briser.

La force de cette proposition, le long-métrage le doit à la perception quasi organique de côtoyer une vraie famille où rien ne semble être calculé. C'est comme voir une oeuvre ou la frontière entre la réalité et la fiction n'existe plus. Mélanie Thierry et Lyes Salem, chefs d'orchestre de cette famille recomposée sont les protecteurs d'incroyables jeunes comédiens à l'entente et au conflit parfait. Ils sont trois piles d'une même face, Gabriel Pavis, Basile Violette et Aloïs Willhelm.

Cinéaste détonnant, Fabien Gorgeart s'empart d'un sujet délicat qu'il manie avec une certaine maestria sensible et sauvage.