Cette petite famille allemande est décrite comme très commune dans ce film, on jardine, on mange du strudel au repas et on profite du soleil de la fin d’après-midi au détour d’une berge. Un détail important, le patriarche, Rudolf Hoss, était le dirigeant d’Auschwitz Birkenau dont la maison était juxtaposée au camp.
Ce film, selon moi n’aurait pas pu être tourné il y a encore quelques années car montrer la banalité du mal aurait été encore trop obscène suite aux traumatismes laissés dans l’histoire collective, même si nous ne l’avons pas vécu. Le choix du réalisateur de ne pas dépeindre ces parfaits nazis comme des monstres et montrer l’absurdité de leur quotidien est judicieux afin de montrer que l’horreur peut être beaucoup plus insidieuse qu’on ne le croit. Cette notion de l’atroce est subtile, des détails anodins deviennent soudain plus glauques en les regardant bien : l’engrais des plantes ressemble à de la cendre humaine tout comme la neige habituellement symbolisée comme la pureté pourrait être cette même cendre qui se répand dans ce paysage en apparence idyllique.
L’esthétique du film est froide et aseptisée et se calque sur la rigidité mentale de ses protagonistes. La fin est appropriée en laissant Hoss s’égosiller dans son vomi tel l’abject personnage qu’il a pu être. Après une courte interlude, des images actuelles montre le nettoyage quotidien prodigué au camp, la manière dont cela est filmé donne l’impression que Hoss, malade, a une hallucination où il entrevoit les conséquences du génocide qu’il a engendré dans le futur. Le générique clôt cette expérience en sobriété mais angoisse le spectateur avec une musique lancinante composée de sons éthérés, comme si les voix de ces morts résonnaient en échos pour nous hanter.