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La zone d’intérêt s’ouvre sur une scène vacancière familiale bucolique auprès d’un cours d’eau. Sauf que cette famille est celle de Rudolf Hoss, le commandant du camp de concentration d’Auschwitz, et son logement de fonction est collé à celui-ci.

Le film va suivre le quotidien banal de la famille de ce cadre nazi, de sa femme, Hedwig et de leurs enfants au sein de cette maison. Le film se montre profondément dérangeant tant il montre la déconnexion de la famille avec l’horreur qui se passe à côté.

Le travail de mise en scène de Jonathan Glazer est remarquable. D’abord sur le travail du son et de l’hors-champs. Il y a sans cesse des bruits de coups de feu et de hurlements qui ne perturbent en rien le quotidien de la famille. La photographie légèrement grisâtre vient ternir cette vaste maison et ces jardins luxuriants. Le rythme est aussi volontairement lent, soulignant la banalité du quotidien.

Les personnages sont souvent filmés profondément dans le cadre, ce qui renforce la sensation d’images volées et donc le caractère intime du quotidien des plus affreux de la famille Hoss. Ces plans larges permettent aussi la vision du haut des baraques du camp au-dessus du mur mitoyen de la famille Hoss, qui métaphorise bien la manière dont l’idéologie nazie surplombe et enveloppe la famille. Une idéologie qu’au final les personnages ne pensent plus mais pour laquelle ils ne deviennent que de simples exécutants qui s’accommodent très bien de leur situation, jusqu’à tenir des propos vraiment dégueulasse par moment.

Une habitude de la famille auxquels tous les autres personnages n’arrivent pas à s’accommoder. La mère de Hedwig, qui, en visite à la maison, se tire très rapidement après avoir réalisé l’horreur auquel mène le régime nazi et qui devient concret devant ses yeux. Une servante qui est obligée de boire pour tenir.

Je reconnais que la réalisation peut paraitre comme un exercice de style pompeux et gonflant pour certains, j'ai trouvé qu'il donnait de la force au propos du film.

Le film regorge de détails plus malsains les uns que les autres qui montrent l’habitude de la confrontation à l’horreur, qui peut aller jusqu’au déni par moment. Par exemple lors d’une fête dans la piscine du jardin ou l’on voit Hoss de dos faisant face à la piscine ou l’on peut voir la fumée du train qui emmène les déportés au camp dépassant légèrement. Aussi lors d’une balade à cheval, lorsque Hoss dit à son fils d’écouter le cri d’un héron, alors que nous entendons les hurlements des nazis sur les déportés.

Les acteurs incarnant les personnages principaux sont vraiment excellents et donnent vraiment du corps à leur personnage. Christian Friedel est terrifiant en commandant Nazi froid et carriériste qui ne s’interroge pas sur les horreurs qu’il commet. Quant à Sandra Huller, elle est parfaite en cette femme répugnante qui profite de sa situation qu’elle ne souhaiterait quitter pour rien au monde.

Au cours du film, Rudolf Hoss est amené à quitter le foyer familial pour d'autres fonction militaires au sein de l'armée nazie. Puis, à la fin du film, il arrive à retrouver son poste d'origine au camp d'origine. Lors de la dernière séquence, il descend un escalier et il est pris de nausées à chaque palier. Puis, arrivé sur un des paliers, on le voit au loin regarder la caméra et l'on voit une dernière séquence sur le site de mémoire d'Auschwitz, le matin , pendant que le ménage y est fait, dans un silence de plomb. Le moyen utilisé est très intelligent pour faire réaliser de manière frontale l'horreur qu'a commise cette famille que l'on a suivit dans son son quotidien pendant tout film. J'ai ressenti ce moment presque suspendu comme l'ultime coup de poing au foie du film, décuplé par l'effet de surprise. Puis on revoit Hoss au même endroit. On imagine qu'il prend conscience de l'horreur qu'il commet et de la postérité que ces actes auront dans le futur. On le voit continuer de descendre les escaliers qui sont plongés dans les ténèbres, car il faut continuer le travail. Glaçant.

La-Grande-Lucarne
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Créée

le 23 janv. 2024

Modifiée

le 24 janv. 2024

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