Grand Prix du jury de Cannes 2023, surprise du box office français, encensé par les critiques, je n'ai pourtant pas trouvé mon compte avec La Zone d'Intérêt, qui pourtant traite d'un sujet dont je suis plus qu'amateur.
Alors oui ce que traite Glazer est puissant, où comment le mal absolu peut devenir une banalité, où comment l'humanité dans ce qu'elle a de plus abjecte peut s'habituer aux pires atrocités, car au final la famille Höss est d'une incroyable banalité dans ses aspirations et son quotidien.
Le problème justement c'est qu'en se cantonnant à la banalité d'une vie de famille ordinaire Glazer fait perdre beaucoup de puissance à son film. A tout suggérer sans rien montrer de l'autre côté des haut murs bordant la maison des Höss, Glazer nous invite dans un quotidien assez ronronnant, qui finit (et c'est tout le problème), par être redondant.
Sans verser dans le voyeurisme, ou même sans montrer ce qui se passe dans le camp d'Auschwitz, Glazer aurait pu s'attarder sur ce qui entoure le contexte du camp, comment se met en place la solution finale dans les coulisses (on en voit quelques bribes et c'est glaçant), ou donner à voir la haute société nazie se complaisant dans l'opulence alors qu'elle est à la manœuvre des pires crimes de l'Histoire...
Bref Glazer ne donne pas assez à voir le contexte sociétal, les coulisses de cette industrie de mort, et n'explore à mon avis pas assez les tréfonds de l'âme pour en faire un film percutant. Et c'est dommage car La Zone d'Intérêt aurait pu être de ces films qui nous marquent durablement. A l'image d'une dernière séquence réussie, Glazer n'utilise pas non plus assez de métaphores visuelles. Pourtant il touche du doigt certaines excellentes idées, une scène familiale perturbée par le déversement des cendres dans la rivière, ou plus généralement chaque silence dans la maisonnée qui laisse entendre en fond sonore le mal constamment à l'œuvre à quelques mètres de là.
Glazer veut nous montrer à quel point le mal absolu peut devenir banal et nous interroge dans notre humanité, mais en montrant trop justement le banal, Glazer fait perdre de son souffle à ce devoir de mémoire plus que jamais essentiel. Les quelques brillantes idées relevant à peine un film qui à mon sens manque puissance.