L’Eden du bourreau d’Auschwitz. Clinique et glaçant. L’indicible répulsion est d’autant plus prégnante car suggérée par la sonorité.
Je suis ressortie du cinéma, sonnée. Toute la salle l'était.
Mon visionnage date du 4 Février 2024.
De suite, j'ai effectué des recherches sur le réalisateur, qui a des origines juives et a mis 10 ans à pouvoir réaliser un tel film.
En aucun cas il ne fait l'apologie de la banalité du mal.
Au contraire, sa manière de filmer, ce noir du début, cette "apparente" tranquillité ne fait que mieux ressortir l'indicible.
J'ai eu envie d'approfondir mes connaissances, bien que déjà intéressée par la période 39-45 et tout ce qui touche à la Shoah.
Plus je tente de comprendre, moins je comprends.
Ce qui me désole est ce qui se passe encore en 2024 : Le négationisme, les destructions des lieux relatifs au massacre des juifs.
Lorraine, j'ai visité en famille, bien trop jeune, le camp du Struthof, l'un des camps de concentration les plus meurtriers du système nazi. Il m'en est resté un "traumatisme". Ce camp a continué de fonctionner via ses camps annexes, fait unique dans l'histoire, après évacuation du camp principal, une fois découvert par les Américains le 25 novembre 1944 et tuant des milliers de juifs, des opposants politiques ou des résistants, des travailleurs raflés des pays de l'Est, par le biais de marches éreintantes et du ravin de la Mort.
Des expériences médicales y ont été réalisées. Les SS n'ont pas eu le temps de faire disparaitre les traces de ces expériences, notamment à Strasbourg..
Heinrich Himmler a ordonné d'implanter sur le site ce camp de concentration, repérant le filon du granite rose..
Le commandant du camp, Josef Kramer, surnommé "la Bête de Belsen" par les déportés, usant de cruauté et de sadisme, (lequel a également commandé une partie du camp d'extermination d'Auschwitz), n'a rien regretté et a été exécuté le 13/12/1945.
Je me suis procurée à Cultura un bouquin relatant l'histoire de ce camp, afin de savoir si mes souvenirs d'enfance étaient bien réels..J'ai encore en tête, les lits superposés, la chambre à gaz..Brr.. Ma cousine y est retournée il ya 2 ans avec sa fille, laquelle a été prise de nausée. Nous y étions ensemble , enfants, nous n'avions pas 10 ans, hélas. Je n'ai jamais voulu que mes enfants visitent de tels lieux avant d'être "armés" dans la vie, à savoir à l'âge adulte. Erreur familiale, surtout à mon égard, n'ayant pas 9 ans.. Le Musée de la déportation du Struthof a fait l'objet d'un incendie criminel en mai 1976, il y a 48 ans. Ça en dit long sur la mentalité de certains français..
La villa du Struthof, où était installée la Kommandantur, appartenait à un personnage strasbourgeois haut placé, réquisitionnée par les SS, pour son lieu stratégique et ses carrières de granite rose.
Qui connaît le château du Haut Koenigsbourg comprendra..la beauté du granite rose.
Dans le film "Nuit et brouillard" figurent des déportés du Strutof (2400 détenus).
Au début, il était un camp de travail, devenu, un "relais" vers Auschwitz. Il y avait bien une chambre à gaz, un four crématoire et environ 80 femmes ont été gazées.
Le "taré" de Kramer, vérifiait l'état des pauvres femmes et rajoutait du Zyklon B jusqu'à ce qu'elles meurent.
C'était l'unique camp de concentration en France, où des centaines d'européens, certains de confession juive, la plupart, des opposants ou résistants y ont été faits prisonniers, avant d'être envoyés à Birkenau, Auschwitz etc...
J'ai lu "Si c'est un homme" de Primo Levi et j'ai apprécié l'Appendice (de novembre 1976), qu'il ajoute en fin de livre : réponses à 8 questions d'élèves ou enseignants..Je retiens ceci: Je le cite:
"Il faut donc se méfier de ceux qui cherchent à nous convaincre par d'autres voies que par la raison, autrement dit des chefs charismatiques : nous devons bien peser notre décision avant de déléguer à quelqu'un d'autre le pouvoir de juger et de vouloir à notre place. Puisqu'il est difficile de distinguer les vrais prophètes des faux, méfions-nous de tous les prophètes; (........). Il vaut mieux se contenter d'autres vérités plus modestes et moins enthousiasmantes, de celles que l'on conquiert laborieusement, progressivement et sans brûler les étapes, par l'étude, la discussion et le raisonnement, et qui peuvent être vérifiées et démontrées." (page 312), partie de réponse à la question n° 7 "Comment s'explique la haine fanatique des nazis pour les juifs?"..Et tout ce qu'il répond aux autres questions, rejoint, l'idée de celle que je m'étais faite en suivant les (environ) 10 heures sur Arte, sur l'antisémitisme (ses origines à nos jours..)..(....)
"Le fait que je sois encore vivant et que je sois revenu 'indemne' tient surtout, selon moi, à la chance..
Les quelques 'privilèges'(scarlatine) et donc à l'infirmerie avant que le camp ne tombe en désuétude et heureusement il n'est pas parti avec ceux dans la marche par -20, vers des soi-disants autres camps, dirigés par les SS), dans les derniers mois de ma détention, n'ont joué que dans une faible mesure (......)"
Partie de réponse à la dernière question n°8 "Que seriez-vous aujourd'hui, si vous n'aviez pas été prisonnier dans un Lager", "qu'éprouvez-vous lorsque vous vous remémorez cette période?"
À quels facteurs attribuez-vous le fait d'être encore en vie? Voilà, je ne peux pas citer tout l'additif mais cela a répondu à bien de mes questionnements..Il précise que sur l'ensemble des déportés italiens, il n'y a que 5% qui soient revenus...
Sinon, apparement, la mort de Primo Levi reste un mystère..
Je tenterai de lire d'autres de ses livres. Destiné à être chimiste, son 'séjour' à Auschwitz l'a mené à devenir écrivain..Il dit aussi devoir sa survie parce qu'il a trouvé un soutien dans son intérêt jamais démenti pour l'âme humaine..(en dernière page).
Je m'interroge sur la "banalité du mal" (moi aussi) et je mets ce lien, sachant que j'ai du pain sur la planche, ayant commencé "La loi su sang", penser et agir en nazi.. par Johann Chapoutot, historien (pavé de 530 pages, sans les annexes)..pour tenter de "comprendre".
Sinon, j'ai beaucoup de mal à croire que tout homme aurait pu devenir nazi..surtout après avoir lu "La mort est mon métier" de Robert Merle
Ce fameux Höss, s'il a subi un mauvais traitement de la part de son père, n'était pas 'obligé' de suivre une telle voie, mais, cette voie là, lui a donné de l'importance, lui qui avait été rabaissé, et obligé d'obéir uniquement..
Il est un peu trop facile de se réfugier derrière la collectivité pour faire abstraction de sa responsabilité en tant qu'être humain..On en voit des exemples dans tous les pays totalitaires..
Je ne sais pas trop si ça va me faire comprendre l'incompréhensible..Il me faut lire aussi le concept de Hannah Arendt..
En ce moment, pas très loin, nous avons un bel exemple de totalitariste..
Son bouquin "La loi du sang-penser et agir en nazi" est ardu, truffé de références d'autres livres..: j'ai lu l'introduction, puis environ une cinquantaine de pages et la conclusion: ça rejoint pratiquement tout ce que j'avais suivi sur Arte (environ une 10 aine d'heures sur les débuts de l'antisémitisme à nos jours, y compris la guerre de 39-45)..
Mais je vais chercher un autre livre de lui, plus accessible..(il est spécialiste de tout ce qui touche au nazisme..)"Libres d'obéir" de 2020 et plutôt "Comprendre le nazisme" sorti en 2018. Sinon, cette idée de "race pure" ne datait pas de 1939, selon ses écrits..J'en suis au chapitre "procréer" qui me fait frémir et toujours selon Chapoutot, les nazis se sont bien servis de l'antisémitisme qui régnait en Europe et ce, depuis fort longtemps, pour "pondre" leurs lois..Ce qui fait encore plus frémir, c'est d'après lui, de lire, que les germains étaient des hommes qui respectaient les animaux..pas les chrétiens, ni les juifs..
Quand on sait la suite, ça fait vraiment peur..car ils ont évacué ce soi-disant respect pour traiter des êtres humains de manière 'pire' que leur soi-disant concept..
Bon, je schématise..En tous les cas, par les temps qui courent, il est bon de lire ce genre d'ouvrage qui ne fait que confirmer que nous nous devons de craindre certain/e/s préceptes ou convictions débité(e)s par des personnes charismatiques, prêtes à tout pour 'atteindre' les foules et les conforter dans leurs pensées..sans citer de noms..
Je (re)pense à Primo Lévi qui écrit noir sur blanc qu'aucun allemand ne pouvait ignorer ce qu'il se passait..(je rechercherai la page du bouquin.)..
J'ai extrapolé le film "La zone d'Intérêt" parce que je l'ai vu il y a déjà 8 mois et que je n'ai pas envie de le (re)voir.
Je suis ressortie du film avec la nausée. Des tas de plans, de sonorités, montrent que Glazer laisse entrevoir l'horreur derrière les murs, qu'aucun habitant de la demeure de "rêve" ne pouvait ignorer : les enfants jouent avec des dents en or, font des cauchemars, la mère de l'épouse de Rudolf Höss, repart, écoeurée par ce qu'elle a vu et surtout entendu. Le père parle à son fils d'un oiseau, alors que l'on distingue nettement le bruit des wagons menant à la mort et que l'on distingue très clairement la fumée s'échappant des fours crématoires et/ou des chambres à gaz.
Je n'ai pas mis 10 * parce que ce film est trop éprouvant.
Il m'en reste suffisamment pour "frémir". Un film à voir absolument. Comment peut-on être négationniste? Inimaginable..
Voilà, dsl de m'être éternisée. Mais je ne reverrai jamais "La zone d'intérêt", bien qu'il s'agisse d'un film excellent.
Les lectures de certains livres sus-mentionnés, je n'ai pas pu les lire en entier. Celui de Primo Lévi, si, impérativement, un témoin des camps de concentration.