La famille Höss vit en bordure du camp d'extermination d'Auschwitz, où la démesure de leur maison et leur situation privilégiée contraste violemment avec le bruit et l'odeur qui sortent par-delà leur immense jardin. Le responsable du camp, Rudolf Höss, gère d'une main de fer son territoire, travaillant sur des fours crématoires, mais il apprend par ses supérieurs qu'il va devoir quitter ce camp pour travailler à proximité de Berlin.
Pour reprendre une des accroches sur l'affiche du film, La zone d'intérêt est ce qu'on pourrait appeler une expérience sensorielle, car le travail sur le son est tellement impressionnant que plus d'une fois, on se sent mal à l'aise. On n'entrera jamais à l'intérieur des camps ni ne verrons de prisonniers si ce n'est de manière fugitive, mais on entend les tirs de fusil, les trains qui freinent (on suppose pour apporter de nouvelles personnes dans le camp), des hurlements lointains, la musique parcimonieuse de Micachu qui aide au malaise... L'opposition entre la beauté de cette maison et l'horreur à quelques mètres de là est vertigineuse, je dirais. Je dirais même qu'au-delà du son, l'image est elle aussi très importante, avec ces fumées constantes qu'on voit au loin, la couleur claire de ce jardin ; c'est clairement ce qu'on pourrait appeler la banalisation du mal. De ce point de vue-là, Jonathan Glazer signe quelque chose de très fort, qu'on met du temps à digérer, mais il y a une sorte d'excès de confiance dans ce qu'il raconte qui confine presque à de l'art contemporain.
Je veux parler de ces caméras qui sont délibérément placés de sorte que les acteurs ne savent pas sous quels angles ils sont filmés, qui lui donnent un aspect parfois languissant tant les plans paraissent parfois très longs. Sans compter cette quasi-fin, à notre époque, qui confirme l'excès de symbolisme qu'on peut retrouver ça et là dans le film. Aussi bien la fameuse baignade où Rudolf Höss va trouver des ossements humains où le même homme dans les dernières scènes qui va en quelque sorte plonger dans les ténèbres à travers un plan parfaitement composé, mais dont comprend le symbolisme.
Malgré mes quelques griefs, La zone d'intérêt est un film très fort, parfois pénible, où on en ressort physiquement épuisé devant ces sensations presque tactiles éprouvées.