Je peux comprendre pourquoi « Lacombe Lucien » a déchaîné les passions à l’époque. A travers le portrait de Lucien, brute pas finaude et immature, il montre comment un jeune homme peu réfléchi peut s’embarquer dans la collaboration par circonstances, alors qu’il voulait être résistant. Un sujet qui vaudra au film des accusations de complaisance envers la collaboration, contraignant Louis Malle à un exil vers les USA.
Pourtant il n’y a ici aucune complaisance ! Dès le départ, la brutalité de Lucien est claire, montrée à travers des séquences de violence animalière… qui seraient infaisables et inexcusables aujourd’hui. Les méthodes de la police allemande (comprenez Gestapo française) sont également évoquées sans fard, entre torture et pillage. Tandis que Lucien profite sans sourciller de son nouveau statut et pouvoir.
Malgré ce protagoniste antipathique, Louis Malle tient son récit de bout en bout, montrant les paradoxes de l’Occupation… dont Lucien qui est dédié à son travail mais amoureux d’une Juive. La prestation de Pierre Blaise aide beaucoup, il parvient à montrer son personnage comme abjecte, tout en gardant une certaine innocence de jeunesse. L’acteur s’offre là un beau premier rôle… mais connaîtra malheureusement une fin précoce, décédant l’année suivante dans un accident de voiture.
Dans l’ensemble, le film contient tout de même quelques longueurs. Dont cette oppression un peu longuette d’une famille juive cachée. Mais ce portrait de l’Occupation demeure suffisamment singulier et bien mené pour mériter l’attention.