Louis Malle brosse courageusement -c'est-à-dire à l'encontre du manichéisme qui caractérise souvent l'Occupation puis les épurateurs de toutes sortes- le portrait d'un jeune homme ayant rejoint, en ces derniers temps de la guerre, et tout à fait par hasard, des auxiliaires français de la police allemande.
Le cinéaste prend le parti de la neutralité -pas du tout dans le jugement vindicatif de l'après-guerre. Il ne défend ni n'accable Lucien dont il montre bien à quel point la personnalité fruste, intellectuellement et affectivement, détermine le choix, ou plutôt le non-choix, du jeune homme. Louis Malle ne relate-t-il pas qu'avant de se laissé séduire par le pouvoir de quelques minables collabos, Lucien l'immature s'était timidement proposé d'intégrer le maquis?
Le cas de Lucien Lacombe n'est pas celui de l'engagement dogmatique. Malle dessine le caractère psychologique d'un jeune homme taciturne et solitaire qui se découvre une raison d'exister. D'une sobriété exemplaire, tournant le dos aux idées passionnelles de la période et à une mise en scène spectaculaire, le récit s'appuie sur une reconstitution très juste de l'époque et se partage entre le rôle de collabo insignifiant de Lucien et l'étrange relation que celui-ci noue avec une famille juive.
Convaincant sur un plan humain, le film l'est moins en revanche sur celui de la mise en scène, dont la lenteur, notamment dans les nombreuses scènes chez le vieux couturier juif, occasionne des longueurs. Et, en dépit de la gravité du sujet, on se prend à s'ennuyer parfois dans un film où, par moments, le portrait du collabo s'efface sous celui plus général d'un jeune homme complexe.