A tous ceux qui ne voient en Lady Bird qu’un énième film d’apprentissage relatant les travers d’une adolescente mal dans sa peau, et à tous les autres qui jalousent secrètement le succès de Greta Garwig, comédienne talentueuse devenue en un claquement de doigt une réalisatrice inspirée, à tous ceux-là, je dis :
don’t fool yourself !
Vous vous méprenez autant que ces adolescents qui, dans leur phase rebelle d’inspiration pseudo nietzschéenne -période « briser les idoles »- pensent que ce n’est qu’en rejetant en bloc l’héritage de leurs parents qu’ils parviendront à trouver le chemin de la liberté.
Or, que cherche Lady Bird sinon la liberté ? Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le nom d’emprunt de cette fille qui a grandi dans un bled du fin fond de l’Amérique – double presque trop évident de la réalisatrice – sonne, lorsqu’on le prononce vite, comme un proche cousin de Liberty.
Seulement, cette quête, si convenue soit-elle (quête qui se bâtit autour de la triade amis / amours / parents), n’est en fait qu’un prétexte.
Car ce que la réalisatrice donne à voir à l’écran, et c’est là tout son génie, c’est une re-naissance, au sens de réappropriation d’une identité qu’on nous aurait assignée de force.
De ce point de vue, le schéma narratif est d’une limpidité quasi scolaire - collant ainsi ironiquement à son thème : Lady Bird est une teen comme il en existe des tonnes, ni réellement stylée ni vraiment effacée ; à travers une quête identitaire classique, qui va se traduire par un tâtonnement dans ses relations (amicale, amoureuse et familiale donc), mais aussi par une remise en cause de ses goûts, de ses origines et de ses ambitions, Lady Bird va expérimenter devant nos yeux amusés.
Toute la beauté du film est à mes yeux de suggérer qu’il existe une troisième voie entre déterminisme socio-culturel (le legs d’une famille qu’on ne choisit jamais) et rejet en bloc des valeurs qui nous ont fait grandir ;
Cette troisième voie, Lady Bird parvient à la trouver au terme d’une heure trente de délicieuses péripéties, quand, après un coma éthylique prévisible, elle s’extirpe de son lit d’hôpital et entre dans la première église qu’elle trouve – renouant ainsi instinctivement avec le sentiment religieux auquel on l’avait « habituée » sans trop se soucier de savoir si elle y adhérait.
Cette possibilité d’une troisième voie, c’est aussi la sensation qui peut envahir chacun la première fois où, de retour dans sa ville natale, on est plus sensible que d’ordinaire à la beauté de la lumière.
Après tout, cette troisième voie, n’est-ce pas simplement la maturité dont fait preuve l’héroïne quand, dans une soirée new yorkaise, elle se présente enfin sous son vrai nom à un inconnu ? Car qu’est-ce que le nom, sinon cet effroyable arbitraire qu’il faut bien, un jour, se décider à assumer ?
Mon TOP de grosse teenager fragile
- La scène qui m'a plus émue qu'un oignon à moitié pelé :
Quand Lady Bird prend la mesure de ce que traverse son ex gay et lui donne un hug qui fait basculer le ton du film du comique (la scène des toilettes) au pathos (ok c'est bon j'avoue j'ai versé une larme)
- La scène qui m'a fait autant (sinon plus) exulter que la
victoire des rouges à une épreuve d'immunité dans Koh Lanta :
Quand Lady Bird assume envers et contre tout ses goûts musicaux face à ses potes snobs et affirme tout haut dans la voiture : "moi j'adore cette chanson !" (bon c'est vrai que Greta Garwig ne prend pas une ENORME risque avec cette scène...)
- L'acteur qui m'a plus exaspéré que tous les étrangers qui se sentent
obligés de prononcer "Voulez-vous coucher avec moi ?" quand tu leur
dis que tu es française (plus que tous ces étrangers réunis donc) :
Timothée Chalamet et sa nonchalance insupportable, alors que je l'avais adoré dans Call Me by Your Name (un peu moins aux Oscars, et encore moins sur Instagram)