[Critique initialement publiée sur CinemaClubFR]
On nous annonçait un bain de sang halluciné, voire psychédélique, et on en est pas très loin. Avec Laissez Bronzer Les Cadavres, le duo Cattet/Forzani, à l’origine des très recommandables Amer et L’étrange Couleur des Larmes de ton Corps, change cette fois-ci d’univers et s’oriente davantage vers le polar avec un (gros) soupçon de Western Italien. En pleine Corse sous un soleil de plomb, nous suivons divers protagonistes dans un village abandonné, qui vont connaître une journée d’enfer après que des malfrats s’y soient réfugiés avec 250kg d’or volés. C’est alors qu’un policier arrive dans le village, ce qui va conduire inévitablement à une fusillade sans merci.
Dit de cette manière, l’histoire peut paraître très simple à comprendre mais dans les faits, la structure narrative est volontairement très floue. Volontairement car cela permet encore plus d’accroître la sensation d’anarchie qui règne durant tout le film, tout particulièrement lorsque la fusillade principale débute, ce qui amène à de nombreuses alliances et trahisons, ne rendant pas la tâche de compréhension plus aisée. Cependant, on arrive tout de même à s’y retrouver avec un peu d’efforts, d’autant plus que les deux réalisateurs ont sorti pour l’occasion des acteurs avec une « gueule » reconnaissable et terriblement appropriée à l’ambiance voulue, dont Bernie Bonvoisin, le chanteur de Trust et Elina Löwensohn.
Bien qu’adapté d’un roman de Jean-Patrick Manchette et de Jean-Pierre Bastid, on ressent toute la patte à la fois esthétique, précise mais aussi très vive du duo belge, à commencer par un générique de début absolument fou, qui est une très bonne introduction à l’univers dans lequel nous allons pénétrer sous peu. On peut même dire que Laissez Bronzer… est leur film le plus définitif et le plus barré quant à l’exploration de leur style si particulier, entre hommage et identité reconnaissable entre mille, notamment pour leur montage très chargé et les multiples bruitages des sensations sur la peau (les personnes habituées à leurs films comprendront).
De même, pour nous laisser quelques instants d’accalmie, le film nous offre quelques moments hallucinatoires tout simplement incroyables, mélangeant fétichisme des armes, soleil écrasant et érotisme féminin, élément caractéristique du duo. Tout l’aspect visuel du long-métrage est une gigantesque baffe mais une baffe qui nécessite au préalable de rentrer dans l’univers, au risque de trouver le temps très, très long. Laissez Bronzer Les Cadavres est donc très certainement le meilleur film réalisé par Hélène Cattet et Bruno Forzani à ce jour. Une parfaite continuité de leur filmographie, dans un univers différent mais toujours aussi fou. Ruez-vous au cinéma le 19 octobre prochain pour une expérience visuelle et sensorielle que vous n’oublierez pas de sitôt.