Une fable magistrale, belle et unique cochant toutes les cases de la réussite malgré un sujet improb

Présenté en compétition à Cannes dans la section Un Certain Regard, ce « Lamb » est un petit bijou de maîtrise et de réussite qu’on n’attendait pas. Une sorte de fable fantastique convoquant le rapport entre l’homme et l’animal mais surtout la notion de maternité et de paternité avec un sujet tordu et improbable comme on en voit peu de nos jours. Et Dieu sait que cela fait du bien de voir un cinéma des antipodes comme celui-ci! Et la réussite est encore plus remarquable quand on sait que cette coproduction entre la Suède, la Pologne et l’Islande est un premier film. Un vrai tour de force pour le réalisateur Valdimar Johansson qui coche toutes les cases gagnantes su niveau de la maîtrise formelle comme narrative mais qui évite également tous les écueils qu’un tel sujet laissait présager, notamment celui de sombrer dans le ridicule ou l’abstrait hermétique.


Les premières images de « Lamb » donnent le la. Pas de dialogues pendant un petit quart d’heure mais des séquences intrigantes et mystérieuses qui nous plongent dans une petite ferme islandaise rurale isolée. Le décor est planté avec soin et il y plane une menace indéfinie qui fait froid dans le dos alors qu’on ne voit rien. C’est ce qui s’appelle savoir créer une atmosphère et happer son auditoire. Entre les plans sur les ovins, ceux sur la campagne environnante déserte ou ceux sur la ferme délabrée, on se demande où ce film va nous emmener et on ira de surprise en surprise. Et ce, dès le départ: le couple de fermiers, qui a perdu une petite fille, va adopter un nouveau-né hybride entre l’agneau et la petite fille, une créature étrangement sortie de l’une de leur brebis. Et sur un tempo lent et contemplatif, très conforme à l’idée de ce que l’on se fait du cinéma scandinave et complètement adapté à la tonalité de cette œuvre unique, le scénario va nous laisser contempler cette étrangeté. Le couple va élever cette créature thérianthropique de manière normale jusqu’à ce que la nature animale les rattrape. Le cinéma rural est à la mode, notamment en France dans lequel on y appose du drame (« Au nom de la terre »), du thriller (« Petit paysan ») ou encore du social comme dans « Médecin de campagne ». Ici on se rapproche plus du méconnu « Isolation », film britannique qui laissait s’inviter l’horreur dans une petite ferme avec ses vaches mutantes. Et nous rappelle à quel point le mouton et ses cousins peuvent être des animaux source de frissons. En effet, ils sont souvent assimilés au satanisme comme dans « The Witch » mais pas que, comme le prouve le film néo-zélandais « Black Sheep » et ses moutons tueurs.


« Lamb » tente de rendre normale une situation pour le moins improbable en s’éloignant des canons du cinéma fantastique. Avant de nous y plonger totalement lors d’un final surprenant, mystique et magnifique, confirmant le statut de fable de cette œuvre qui sort des sentiers battus avec maestria. Les effets spéciaux et maquillages discrets qui donnent vie à Ada, cette hybride humain et animal, sont bluffants et on croirait qu’elle existe réellement. Sans faire peur, le film entretient le malaise avec brio et son rythme lent nous absorbe complètement. Les sublimes et singuliers décors naturels de l’Islande profonde ajoutent encore à la particularité de cette œuvre étrange mais à la fois belle et terrifiante. La morale semble être que la nature reprend toujours ses droits mais il y a bien plus de symbolisme et une seconde vision ne serait pas de trop. Le couple formé par Noomi Rapace et Hilmir Snaer Guonason est impeccable et participe à la réussite d’une œuvre commune à nulle autre et qu’on gardera longtemps dans un coin de sa tête. A la fois sublime et perturbant.


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JorikVesperhaven
8

Créée

le 15 oct. 2021

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2 commentaires

Rémy Fiers

Écrit par

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