Bon, encore une fois, ça se torche avec le diptyque homonyme, et de manière générale avec la BD Largo Winch, dont on se demande finalement bien pourquoi l'avoir adaptée – elle qui se prêtait pourtant si bien à une transposition au cinéma – si c'est pour la saloper ainsi. "Oui mais adapter c'est trahir", d'accord oui, m'enfin il y a l'art(go) et la manière de faire les choses. On peut trahir une BD – ou n'importe quoi d'autre – intelligemment... ou à défaut, faire n'importe quoi mais le faire avec panache. Spoiler alert : ce n'est ici ni l'un ni l'autre.

Ici, non seulement le rapport avec la BD se limite encore une fois à une poignée de personnages (Largo donc, feu Nério en ombre tutélaire, et les deux employés Cochrane et Rudy Gessner) et grandes lignes (suicide d'un "petit patron" en direct – lors d'une séquence virtuelle très laide d'ailleurs – suite à la fermeture de sa boîte, les ouvriers en colère, et derrière tout ça évidemment, un complot visant à niquer le groupe W et son patron) ; au profit d'un thriller beaucoup plus "sommaire" (mais pas plus efficace hélas, auquel cas j'aurais pu approuver le résultat, ou a minima la démarche) ; mais en plus le résultat est d'une ringardise déconcertante :

Alors je passe sur les choix musicaux désastreux (dès l'ouverture du film, histoire de bien poser l'ambiance) et les punchlines Taken-like (je suis très tolérant là-dessus pour le coup, ayant moi-même plaisir à menacer comme ça IRL mes prestataires en retard), mais purée, les flash-back au filtre dégueulasse et les bonds de véhicule/cascades au ralenti, c'est interdit depuis la dernière décennie normalement. Presque sûr que plus aucun des actioners bas du front que j'ai matés ces derniers mois ne pratiquaient encore ces trucs, aussi je suis ébahi de voir que ça se pratique en fait encore. Mais quand va-t-on enfin se résoudre à légiférer dessus... ?

Pareil avec certaines tartes à la crème d'écriture/montage, genre on sait qu'il y a un traître dans les gros bonnets du groupe W (un jour normal dans la vie du groupe quoi, on se ferait chier sinon), et lors d'un big board, l'un des personnages importants reçoit un coup de fil anonyme, sort de la pièce, puis plan sur le grand méchant au téléphone qui donne ses consignes... "Oh mais non, c'est donc LUI le traître ?!"... Mais oui tout à fait, ce n'est pas du tout un effet de montage complètement essoré pour me faire suspecter le mauvais perso.

(Et je suis pas en train de vous dire là que je suis un spectateur trop intelligent t'as vu – je suis tout le contraire –, qu'il n'y ait pas de malentendu : je veux plutôt dire que le film est encore plus con que moi, ce qui n'est pas un mince exploit.)

Puis le film a ce même aspect désagréable qu'avaient déjà ses deux prédécesseurs, à savoir cette inspiration un peu trop évidente de la concurrence US, James Bond (qui est anglais, certes) en tête. Genre ici le méchant a la même particularité que le Renard de TWINE, et nous crève des yeux avec ses pouces comme le Hinx de Spectre (vous voyez le genre...). Bon après, j'aime bien James Franco, qui en l'occurrence est tout à fait crédible dans ce rôle de connard dangereux. (Il a juste un peu l'air con quand il remonte sa capuche de sweat pour traverser un hall rempli de cols blancs, c'est pas du tout suspect et ce sera pas du tout grillé par les enquêteurs qui passeront au peigne fin les caméras du bâtiment pour lever le voile sur le """"suicide"""" d'un certain personnage cinq minutes après).

Non en revanche, il y a un personnage (inédit, comme c'est surprenant) insupportable, c'est la sidekick que Largo se fait mettre dans les pattes, à savoir une influenceuse-activiste écolo casse-couilles (et qui ressemble beaucoup à Aubrey Plaza au passage), sidekick qui passe tout le film à filmer (#filmception) ce qui se passe sous nos yeux en le commentant pour faire des lives à ses abonnés, ce qui est juste insupportable (pour Largo, mais aussi pour moi en fait #identificationauhéros). Elle me cassait déjà les couilles après trois minutes à l'écran (le temps de faire X fois des doigts d'honneur à ses interlocuteurs et de traiter Largo de boomer), mais ses fucking lives insta, tabarnak, j'ai eu envie de lui dérencher la face à cette trace de brake (elle est québécoise, oui).

Pour le reste, c'est une tourtière qui vaut les deux premiers opus : Olivier Masset-Depasse est à la masse et dépasse (tu l'as ?) pas son prédécesseur Jérôme Salle dans la mise en scène et le découpage de l'action – comprendre que c'est du tout-venant sans fulgurance ni originalité (et option ralentis bidesques, donc). Cela dit, Tomer Sisley semble bien impliqué dans ses scènes d'action, j'ai la flemme de vérifier, mais je serais pas étonné qu'il ait exécuté tout ou partie de ses cascades (ce qui en ferait donc notre Thomas Croisière national ?).

Mais là où les deux premiers opus ont l'avantage en revanche, c'est qu'eux avaient une fin... leur intrigue était clôturée et tu quittais la salle en ayant eu l'impression d'avoir assisté à une histoire complète... Là où ce film adopte cette "récente" (ça fait plus de dix ans) mode hollywoodienne d'interrompre ton intrigue en milieu de parcours... ton méchant dans la nature (sachant qu'un taré comme ça lâchera pas la grappe à ton héros, les gars se sont pas quittés sur un pardon), et une dernière scène réouvrant toute l'intrigue que l'on croyait close... Autrement dit, ce Largo Winch n°3 n'est en fait qu'une première partie.

... ce qui me semble un pari hautement risqué, compte tenu de la popularité toute relative de cette franchise ciné. Je viens de vérifier, et les deux premiers opus, ce sont 1,5 million de spectateurs chacun, il y a quinze piges déjà... et, que je sache, Tomer Sisley n'est pas devenu une vedette de premier plan depuis (côté cinoche, il a complètement disparu des radars en tout cas), donc produire aujourd'hui un 3ème opus qui n'est qu'une moitié de diptyque, je trouve ça... suicidaire.

Et sans rire, si la franchise s'arrête sur cette fin... bah... c'est tout sauf satisfaisant, concrètement...

Bordel, mais... serais-je en train de réclamer un quatrième film... ?! Ressentirais-je en mon for intérieur ce besoin impérieux de voir la fin de cette fresque ?!

La réponse derrière cette balise :

Eh bien NON putain, je m'en latte vigoureusement les couilles avec des liasses de billets de 1 dollar fraîchement imprimés, et je réclame une OPA sur cette franchise – qui n'est pas cotée je sais, mais tu vas faire quoi ? – pour la rebooter dignement.

ServalReturns
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le 18 août 2024

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