Las niñas, le premier long-métrage de Pilar Palomero, native de Saragosse, mérite de figurer au tableau d'honneur du nouveau cinéma espagnol. Le film se situe en 1992, l'année où l'Espagne apparait comme le parangon de la modernité en Europe, le franquisme aux oubliettes, la movida en exergue, les J.O de Barcelone et l'exposition universelle de Seville, en vedette. Pourtant, le vieux fond conservateur ibérique survit toujours, notamment en province, dans les relations sociales et dans l'éducation catholique des jeunes filles. Ce sont ces dernières que met en avant le film, à un âge-charnière (12 ans), au confluent de l'enfance et de l'adolescence. Entre l'école, les amies et sa mère veuve, la petite Celia (magnifiquement incarnée par la débutante Andrea Fandos) grandit entre insouciance, angoisse et questionnements, en particulier sur ses origines. De manière impressionniste, sans coups de théâtre ni dramatisation superflue, Las niñas se met à hauteur d'enfant avec une sensibilité et une délicatesse de tous les instants, rafraîchissant avec bonheur tous les poncifs plus ou moins liés au récit d'apprentissage. Le film évoque un peu le Cria Cuervos de Carlos Saura, la cruauté en moins, laissant le beau personnage de la mère à ses mystères. Réalisé avec une fluidité parfaite, avec notamment une scène d'ouverture admirable, à laquelle répondent les plans finaux, Las niñas se termine avec l'émotion la plus pure qui soit, prônant la liberté de conscience individuelle comme outil pour faire avancer les mentalités collectives.