Je pense qu'il faille mieux prendre Last Days comme un film-poème et à ne pas se laisser perturber par le pitch "rock" où le fait que Gus se soit inspiré des derniers jours de Kurt Cobain pour faire son film.
Car tout comme ses plans, l'agonie du héros du film est lente, très lente. Peu à peu, le corps de Blake ne devient plus qu'un maigre et inutile réceptacle de son esprit, un esprit dont l'envie de vivre disparaît peu à peu. Blake ne fait qu'errer : dans la forêt, dans l'eau, dans son immense maison écartée de toute civilisation, près de sa guitare. Il se déplace lentement, ne fait rien si ce n'est se préparer des pâtes. Et puis parfois, il improvise une musique pleine de rage ou de désespoir tranquille, musique qui ne trouve aucun écho au sein de cette forêt reculée.
Plus que jamais, les plans de Van Sant, fixes ou agrémentés de légers travellings, sont d'une longueur équivalente à la langueur du personnage. Dialogues presque inexistants (et souvent à peine audibles), ambiance sonore absente ne laissant à entendre que quelques sons de guitare, chant rauque ou jeu de batterie. Les quelques autres personnages n'interagissent pas beaucoup entre eux. Blake et sa solitude sont laissés dans le cadre, sans parti pris ni esthétisme la plupart du temps.
Cette relative objectivité est d'un côté une des qualités du film, mais sans aucun doute aussi un peu son principal défaut. Le spectateur reste effectivement spectateur de ces derniers jours, ne s'implique pas vraiment. Contrairement à Gerry par exemple, il n'y a pas une relation symbolique entre les deux frères à interpréter de chaque plan, une mise en scène qui agit en tant que métaphore au sein de paysages sublimes. Le personnage déambule, point. La mise en scène est bien sûr présente, mais elle est aride, difficile d'accès.
Les passages qui m'ont le plus marqué sont d'ailleurs ceux où l'on sent un réel propos derrière les images. C'est le passage où Blake joue de plusieurs instruments jusqu'à n'en plus pouvoir sans que l'on puisse voir la moindre performance et que nous nous éloignons de la maison. Celui aussi où Blake se travestit et arbore des postures squelettiques, mortuaires, épuisées. Celui encore où un clip de r'n'b hilarant de ridicule est montré en gros plan à l'intérieur d'une télévision. Celui enfin où un reflet de la vitre montre Blake monter des escaliers fantomatiques.
Il faut se montrer patient pour apprécier ce Last Days, ne pas avoir peur de l'ennui, du vide apparent de l'intrigue. Nul doute d'ailleurs que si j'avais vu le film dans de bonnes conditions (c'est-à-dire pas en écran géant à la Villette à côté d'une foule de gens n'ayant rien à foutre du film), je l'aurais davantage apprécié. Mais s'il y a bien une chose que l'on ne peut pas enlever à Gus Van Sant, c'est la précision et le jusqu'au-boutisme de sa mise en scène. Plus obscure que dans Gerry ou Elephant, elle n'en reste pas moins cohérente et touche parfois avec force.
P.S. : A chaque nouveau film ou série visionné, j'aime de plus en plus Michael Pitt.