A lire en musique (et ce n’est pas du Nirvana).
Après Elephant et Gerry, je me suis penchée sur le dernier volet de ce que j’appellerais le triptyque de l’ennui de Gus Van Sant (que je pensais au début être mon réalisateur préféré après avoir vu Will Hunting et My Own Private Idaho, deux films magnifiques et pas du tout chiants que je vous recommande).
Un film de Van Sant qui parle de Cobain ? Il fallait que je le voie. Je suis donc partie à la recherche de la version VOSTFR, introuvable sur Internet et… introuvable à la Fnac également puisque le dvd n’était plus édité que par MK2 ! Je l’ai donc trouvé par hasard en me baladant Quai de Seine.
Pas de Kurt Cobain ici mais un Michael Pitt criant de vérité dans le rôle de Blake, un rockeur grunge aux cheveux blonds et gras. Sa carrière l’écrase, la drogue le tente, il s’éloigne de sa famille.
Bien sûr personne n’est dupe de cette copie conforme de Kurt (excepté sa bouche poupine et son menton plus proéminent qui ne collent pas avec le modèle), mais le changement de nom intervient pour des questions évidentes… notamment éviter un procès pour diffamation.
Last Days est un film d’ambiance très efficace. On s’égare dans cette maison perdue dans la forêt, vide et étouffante, qui deviendra le tombeau de Cobain.
Il y a des paysages, de beaux éphèbes (avec l’inévitable scène gay qui va avec) et surtout de longs plans fixes comme Van Sant les aime.
Blake qui se traîne par terre en robe et va ouvrir à un représentant des pages jaunes, donnant ainsi lieu à une des seules scènes véritablement drôles du film (j’ai appris en regardant le making of que ce commercial est arrivé sur le tournage en essayant de vendre une annonce, et qu’il a plu à Van Sant qui a voulu le faire jouer) ; Blake qui marche dans la forêt, glisse, se relève ; Blake qui erre dans sa cuisine comme un ombre, sans prêter attention à ses bruyants « amis » dans la pièce d’à côté. Le cadre carré et non pas rectangulaire rend l’ensemble très photographique.
Le sens du réalisme de Van Sant va assez loin. Comme il n’y a aucun script, il invente chaque scène au fur et à mesure, laisse les acteurs improviser.
Les acteurs portent leurs vrais noms et, par exemple, l’histoire de la fille de Tokyo et de la chanson qui en découle est vraie ; l’acteur qui joue raconte sa propre vie.
A saluer aussi, un remarquable travail sur le son. Comme dans cette scène déroutante, où la caméra se fige sur Blake qui essaye des instruments : chaque guitare désaccordée qu’il teste, chaque batterie qu’il frappe nerveusement, chaque ampli qu’il fait mugir dans un Larsen à nous donner des acouphènes, laisse son en fond, alors même qu’à l’écran Blake a cessé de toucher l’instrument. Au-fur-et-à-mesure, les couches discordantes se superposent dans une désharmonie acide qui rappelle étrangement la BO d’Only Lovers Left Alive.
Van Sant nous montre ici le processus créatif inné de Cobain, mais aussi à quel point ce processus est endommagé. Les sons que le héros tire de ses instruments sont les plaintes de guitares à l’agonie.
Un film hypnotique et lancinant, donc.
Mais à force de montrer le vide de l’existence, on obtient un film certes touchant et troublant, mais somme toute assez vide lui-même.