Ost d'Old Boy - The Last Waltz
C'est une affiche soignée comme invitation à entrer dans le métrage de Pen-ek Ratanaruang ou l'on voit ces personnages arrimés à leur canapé qu'entoure le vide. Par un habile clair-obscur une chaude lumière semblant émaner des personnages eux-même, se reflétant sur le cuir usé du canapé mis en valeur par une photographie qui n'est pas sans rappeler à celui qui écrit ces lignes les tableaux d'un Rembrandt, grave, austère et sublime à la fois, à l'image du film de Pen-ek Ratanaruang.
C'est une opposition permanente qui prend racine dans la langue même, entre un bibliothécaire nippon dépressif et maniaque et une bordélique thaïlandaise sublime abattue par la mort de sa sœur. C'est la rencontre de deux âmes que tout oppose dans un écrin de bout du monde, dans une maison en décrépitude envahie par les débris jonchant le sol, par les assiettes empilées et les déchets d'une vie qui se consume dans une lenteur superbe, qui ne brûle intensément que pour mieux se perdre.
Lapidaires, les échanges limités entre nos deux principaux protagonistes accroissent cette sensation de contemplation d'un monde délité dans lequel deux êtres s'accrochent l'un à l'autre entre eux, bouées ballottées au gré des flots. La caméra, grave, se promenant dans cet environnement, s'arrêtant dans l'appartement clair et méticuleusement rangé d'un Kenji suicidaire, perçant la nuit poisseuse de Bangkok, sublimant un bout de jetée, une plage jonchée de débris.
On suit au commencement ce Japonais expatrié en Thaïlande dont la vie proprette, maniaque jusqu'à l'excès est ponctuée de rêveries suicidaires. C'est lors d'une de ces tentatives que surgira son frère, plongé dans un milieu mafieux qui finira par le faire tuer dans l'appartement de Kenji. Parvenant à abattre l'assassin de son frère il erre dans la nuit, se penchant par dessus de la rambarde d'un pont, contemplant l'eau noir en souhaitant s'y jeter jusqu'à ce qu'il soit témoin d'un accident de voiture impliquant deux sœurs thaïlandaises évoluant dans le monde de la prostitution et en tuant une sur le coup. Il s'agira alors pour lui de s'accrocher inexplicablement à la sœur survivante, comme pour s'excuser, pour s'amender, pour tenter de vivre.
Last Life in the Universe est très bien servi par son casting : Tadanobu Satō aux antipodes de son personnage de Kakihara, entre introspection, timidité – je ne parle pas de ce rôle pour rien puisque Takashi Miike passera également dans ce film. Sato donne la réplique à la volubile Sinitta Boonyasak, interprète de Noi.
Last Life in the Universe c'est une étrange promenade en pleine décrépitude, une narration éthérée mêlant onirisme et réalité pour laisser une étrange empreinte sur son spectateur. Empreinte onirique visible lorsque Noi fait le deuil de sa sœur Nid, lorsque s'intervertisse les personnages le temps d'un instant, lorsque la fin vous laisse songeur... et tout s'évapore dans brûlé dans un nuage d'âcre fumée.