Avec sa trilogie du Cornetto, Scott Pilgrim et Baby Driver (sans compter la trop méconnue série Les allumés), Edgar Wright était le seul réalisateur dont j'avais vu tous les films (presque, mais on va pas chipoter). Son immense talent pour la mise en scène lui procure un avantage certain, celui de donner aux gens l'envie de voir son film juste parce qu'il l'a réalisé.
En tout cas, c'est ce qui me motivait pour aller voir Last Night in Soho. Pas le scénario, pas le casting (que j'ignorais d'ailleurs), mais juste son nom sur l'affiche.
Conclusion: ça valait largement le coup.
Certes, le film n'atteint pas la presque perfection d'Hot Fuzz. Porté par sa volonté de raconter des choses intéressantes, certaines scènes auraient mérité plus d'explication et un raccord plus progressif avec le reste du film. Ce que le film gagne assurément en rythme, il le perd donc à deux ou trois moments en compréhension. Mais à part ça, je n'ai absolument rien à reprocher au film.
Tout d'abord, comme abordé précédemment, le film est très bien rythmé, notamment comme toujours grâce aux fondations musicales qui servent à la construction de l'œuvre. Edgar Wright adore la musique, et de manière surprenante, Last night in Soho gère beaucoup mieux ce rapport entre chanson et film que dans Baby Driver, dont la BO se voulait l'élément central.
Le choix de la BO ici est très appréciable, et participe à créer une ambiance unique, à mi-chemin entre l'onirique et l'angoissant.
En effet, j'ai oublié de le mentionner, mais Last night in Soho est aussi un film d'angoisse. Pas de l'horreur qui tâche bêtement et fait sursauter les gens de manière artificielle, mais de l'angoisse qui maintient le spectateur en haleine et le plonge entièrement dans l'univers du film, un peu à la manière des meilleurs épisodes de Doctor who période David Tenant/Matt Smith. Et là aussi, Edgar Wright fait particulièrement bien son travail. L'épouvante est admirablement gérée, le tout est très esthétisé et la mise en scène permet le juste équilibre entre les éléments angoissants et le reste du film.
Je parlais de Matt Smith avant, il faut donc savoir qu'il est dans le film, qu'il joue un rôle à la hauteur de son talent, mais qu'il ne vole pas la vedette à la vraie révélation du film, Tomasin Mckenzie.
Déjà aperçu de manière très positive dans Jojo Rabbit, Tomasin McKenzie porte le film à elle toute seule, offrant une prestation incroyable et un très bon duo avec Anya Taylor-Joy, incarnant l'autre personnage féminin du film.
Enfin, il faut quand même saluer les autres rôles masculins, volontairement plus effacés. La prestation de Michael Ajao, incarnant un camarade de l'héroïne, a un côté "compagnon de Doctor Who" très plaisant.
Autres qualités en vrac, la retranscription des années 60 et de l'univers Londonien de cette période est très bonne, d'autant plus qu'il y a un jeu de ping pong entre celui-ci et l'univers londonien actuel très réussi. De manière générale, si certains décors sont plutôt sobres, d'autres fonctionnent de manière mémorable avec la photographie et les effets spéciaux du film. Ces derniers, dispersés ici et là, ne sont jamais dérangeants, bien au contraire, et constituent sans doute le deuxième ingrédient, complémentaire à la BO, expliquant l'ambiance unique qui en résulte.
En cette période actuelle, Last night in Soho portera aussi quelques messages sur des sujets de société, mais ne cherchera jamais à imposer quoique que ce soit au spectateur. Edgar Wright, fidèle à lui-même, a toujours su aborder en sous-texte des aspects de la société sans pour autant venir jouer au moralisateur et jeter ces aspects-là de ces films à la gueule de celui qui les regarde.
Pour toutes ces raisons, Last Night in Soho est très clairement un très bon film, mêlant habilement féérie nostalgique, exploration/divagation nocturne et angoisse psychologique. Le casting est comme toujours chez Wright très bon, le rôle principal est à la limite du rôle de composition dont je ne peux pas en dire plus, de peur de spoiler. La musique fonctionne très bien, techniquement c'est impeccable; bref, à moins d'être exigeant à l'extrême, je pense qu'il saura convaincre pas mal de monde, et qu'il prouve, si tenté qu'il y eut besoin de le prouver, qu'Edgard Wright est un très bon réalisateur.