Parce que chacun des films de sa trilogie Cornetto a bercé mon adolescence et mes jeunes années, j'ai toujours affirmé que Wright faisait partie de mes réals favoris. J'aime énormément Scott Pilgrim aussi. Puis Baby Driver est sorti, et j'en étais ressorti partiellement satisfait, partiellement resté sur ma faim. Comme une impression que le pitch de départ peinait à réellement prendre son envol, malgré le sens du montage raffiné qu'on connaît à Edgar.


J'ai toutefois attendu ce Last Night In Soho avec beaucoup de curiosité, notamment parce que ça allait être une première incursion du réal dans l'horreur, "la vraie" après avoir vaguement versé dedans avec Shaun of the Dead même si c'était une composante beaucoup plus mesurée comparée à la comédie, véritable coeur de la trilogie malgré les thèmes et petits axes sérieux et matures qu'ils peuvent traiter dans la foulée.


La promotion laissait supposer une oeuvre versant davantage dans l'art et essai que dans l'horreur traditionnelle, avec un parti pris esthétique qui par moments n'était pas sans rappeler L'Enfer d'Henri George Clouzot, renforçant l'idée que le film allait partir sur quelque chose d'un peu plus psychologique voire psychédélique.
L'état d'âme horrifiée avant l'horreur visuelle en somme.


Puis le film sort et... il divise. Il divise vraiment très fort même, un peu à la manière du dernier James Wan, Malignant d'ailleurs. D'un coté se trouvent les personnes séduites par la proposition, parfois totalement, parfois moins mais suffisamment pour lui donner l'intérêt qu'il mériterait, de l'autre les personnes rebutées par ladite proposition, soit à cause de son résultat trop foutraque, soit à cause de cordes jugées usées ou qui ne leur correspondent pas. Pour ce qui était de Malignant, j'étais malheureusement du coté des déçus malgré le concept intéressant, je sais toutefois qu'il faudrait que je lui redonne sa chance.


Quant à ce Last Night In Soho donc... beh c'est malheureusement un peu le même ressenti, mais pas à ce point exacerbé cela dit, loin s'en faut vraiment. Il y a des choses que j'aime vraiment bien dans ce film, mais son souci c'est qu'il est très inégal : inégal au niveau de l'intrigue, inégal au niveau du traitement de sa protagoniste, inégal au niveau du parti pris esthétique, inégal au niveau du rythme... Inégal partout en fait.


Plus longtemps je reste assis à tenter d'organiser mes pensées, et plus j'ai la sensation que cette critique va avoir du mal à aller quelque part. Hauts les cœurs, je vais y arriver !


Car ce film brasse mine de rien bien des choses. Les 60's, la romantisation d'une époque que l'on a pas connu, se rappeler que la réalité pouvait être tout autre, la musique, le profond sentiment de perdition lorsqu'on se retrouve confronté à un milieu extrêmement différent du nôtre, les aspirations artistiques aussi denses que futiles, la déréalisation qui en découle une fois exposés à ses mauvaises voire pires facettes, l'impression de "vivre" d'autres époques tant on se sent connectés à celles-ci par quelque artifice que ce soit, essentiellement car ça nous permet d'échapper à notre réalité du moment...


On pourrait passer un moment à décortiquer chaque aspect du film et affirmer avec condescendance que ça déjà été fait mille fois ou à l'inverse les louer tant ils peuvent fasciner, mais en fin de compte Last Night In Soho n'a, dans tout les cas, clairement pas été fade ou inintéressant à mes yeux.


Thomasin Mckenzie joue un premier rôle convaincant (puis cet accent :coeur:), même si sa plongée progressive dans la folie ne se fait pas sans un manque consternant de jugeote, un facteur pourtant déterminant dans l'histoire, et qui constitue en fin de compte un de mes plus grands reproches au film, ça et ce qui permet à l'horreur d'exister dans ce film.


Voyez-vous, on pourrait vaguement réduire l'expérience d'Ellie à un fort syndrome de Stendhal. Bien que le maux ne soit pas véritablement reconnu comme tel, le syndrome de Stendhal, nommé ainsi après les déclarations de l'auteur français du même nom suite à une visite apparemment -trop- enivrante à Florence, désigne un trouble à la fois physique et psychologique, provoqué par l’admiration d’un grand nombre d’œuvres d’art dans une période de temps limitée, un trop-plein de stimulation esthétique qui ferait rentrer la victime dans un état de transe et de pâmoison.


À peu de choses près, nous sommes en droit d'y penser, tant le film nous informe du décalage entre Ellie, renfermée, et la ville de Londres, effervescente, mais aussi tant la ville l'abreuve d'informations sensorielles (visuelles, textiles, sonores, olfactives) qu'elle peine à emmagasiner. Des informations qui influencent fatalement sa perception de la ville, jusqu'au plus profond de ses pensées, là où se cache son amour des 60's.
On voit ainsi progressivement se mélanger la réalité qui tabasse ses idées reçues pleines d'innocence et son exutoire artistique qui pioche petit à petit dans ce que l'époque a pu fournir de plus débauché, alors que la réalité visait à être un grand départ dans l'industrie de la mode et l'époque favorite d'Ellie à être une source d'inspiration indispensable et surtout sans contrecoups, sans la présence du Malin, quel qu'en soit la forme.


Edgar Wright tente de nous faire ressentir tout ça par divers procédés, tantôt qui fonctionnent, tantôt moins, mais qui atteint un point de non retour dans sa conclusion, transformant ce qui pouvait être une fièvre culturelle et psychotique en une étrange histoire classique de fantômes. Son dénouement et son twist demeurent pourtant intéressants, mais eu égard au manque de jugeote de la protagoniste et le choix de Wright quant à la direction horrifique finale, c'est probablement ce qui me gêne le plus à la fin de ma séance, surtout après avoir eu le temps de réfléchir à comment poser tout ça à l'écrit.


Il y a quelque chose dans cette idée de bouillon urbain et culturel qui influence son expérience personnelle et ultimement son obsession pour une époque qu'elle aimait tant glamouriser qui me parle et me plait. Que par une extraordinaire accumulation d'informations parfois inconscientes elle se soit retrouvée confrontée à une sordide histoire venant du passé.


Mais à la toute fin c'est effectivement gaspillé par le choix de Wright de "concrétiser" tout ça, au lieu de laisser le choix à tout un chacun de coller les morceaux à sa guise sur ce qui pourrait réellement expliquer ces phénomènes, finissant de parachever les thèmes de la romantisation de ce qu'on ne connaît pas, de la peur de les compléter avec les pires sources d'inspiration.


Si j'ai sincèrement apprécié la proposition je reste tout de même assez partagé, je compte définitivement revoir ce film à l'occasion.

Chernobill
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le 17 janv. 2022

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Chernobill

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