Je croyais n'avoir jamais vu ce film lorsque j'ai acheté le DVD sur l'unique critère que c'était un film de Preminger. Dès la première phrase "I shall never forget the weekend Laura died", le film m'est brusquement revenu en mémoire tellement il m'avait marqué lorsque je l'avais vu il y a 30 ou 40 ans dans un ciné-club… Comment avais-je pu oublier le titre ?
C'est un excellent polar noir américain avec Gene Tierney dans le rôle de Laura qui est une femme à la beauté envoutante autour de laquelle tournent trois hommes Waldo (Cifton Webb), Shelby (Vincent Price) et le détective MacPherson (Dana Andrews) chargé de l'enquête. Enfin pour ce dernier, évidemment, ce n'est que devant l'immense portrait de Laura que MacPherson tourne sa fascination.
Gene Tierney, c'est aussi l'inoubliable Mme Muir dans le film de Mankiewicz, une actrice dont l'attitude reste toujours un peu réfléchie, un peu retenue. Pas du tout le style de la femme fatale hollywoodienne. Ici elle joue le rôle d'une femme dans le monde de la publicité, lancée par Waldo mais qui s'élève ultérieurement par son propre talent. Même si elle est ambitieuse, elle reste cependant une femme réservée. Waldo et Shelby sont amoureux d'elle mais sa réserve et sa délicatesse l'empêche de les heurter par un refus. Elle est certes reconnaissante à Waldo de ce qu'il a fait pour elle mais … Elle comprend aussi que Shelby est un parasite peu intéressant qui veut l'épouser mais …
Et en parlant de parasite, on en arrive à un autre personnage du film, Ann, la tante de Laura, personnage trouble acoquinée on ne sait pas trop comment ni pourquoi à Shelby… Mais je n'ai pas tout dit. Le rôle de Ann est tenu par Judith Anderson, autrement connue pour son rôle de Madame Danvers, la sinistre gouvernante du film Rebecca de Hitchcock. Quel rôle jouera-t-elle dans ce panier de crabes qui gravite autour de Laura ?
Dana Andrews, le détective, est lui assez particulier. Il fait son boulot de flic, écoute, pose une question mine de rien, n'hésite pas à malmener ses interlocuteurs pour les déstabiliser mais reste fasciné, scotché par le portrait de Laura qu'il ne cesse d'observer (entre deux verres…) et en est d'autant plus mordant dans son enquête. Quand, au début du film, Waldo montre le tableau pour la première fois à McPherson, ce dernier jette un regard, a une petite moue et lui répond "not bad".