Très étonnant film que "Laura", qui mélange deux influences. D'une part, les films noirs, qui décollaient depuis quelques années, dont il reprend quelques caractéristiques : les jeux d'ombre, les persiennes, un inspecteur tristounet, une femme fatale objet de toutes les convoitises... D'autre part, les classiques du whodunit à la Agatha Christie, avec son meurtre et sa galerie de suspects. On a même le droit à la séquence très "Hercule Poirot", où le policier réunit les protagonistes dans une pièce pour leur révéler qui est d'après lui le tueur !
Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'en mélangeant ces ingrédients, "Laura" surprend régulièrement. Le scénario est adroit et intelligent, parvenant à ménager un grand suspense tout en creusant un nombre limité de personnages. Ici, pas de fouillis ou de relations complexes entre un paquet d'intervenants, façon "The Big Sleep". Des personnages charismatiques et aux émotions chargées permettent de tenir sans mal cette histoire.
Avec en tête Clifton Webb, assez génial en journaliste à succès hautain, acerbe, et aux piques excellentes. Mais aussi Vincent Price, à l'aise en charmeur dont on doute de la douceur, comme il sait si bien les faire. Et bien sûr Gene Tierney en femme à la fois forte et naïve.
Sans compter quelques très bonnes idées. Un meurtre survenant avant le début du film, dont la victime sera dévoilée par flashbacks, ce qui n'empêchera pas le policier de s'enticher d'elle ! Et des rebondissements ingénieux (et inattendus pour l'époque).
Le tout filmé avec virtuosité par Otto Preminger, qui joue sans mal avec les ombres et la lumière, ou des mouvements de caméra qui ajoutent de l'intensité aux scènes. A noter que celui-ci devait initialement être simplement producteur, mais des problème de tournage le firent passer également derrière la caméra. Bien lui en a pris...